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Tournai : une pagaille mémorable

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De mémoire de Tournaisiens, nous avons rarement connu une telle pagaille. Tout a commencé, un peu timidement, le vendredi 1er avril ! En raison de la date, on aurait pu imaginer un poisson mais, hélas, il a fallu vite se rendre à l'évidence, les camionneurs avaient pris les automobilistes en otage. Le poisson aller cacher de fameuses arêtes.

Loin de moi de contester le bien-fondé de la motivation de ceux qui travaillent pour amener tous les produits dont nous avons besoin quotidiennement. Dans un société ultra-libérale, au sein d'une Europe totalement incapable de parvenir à une harmonisation entre les pays, dans un amalgame d'états aux mentalités bien différentes, au sein de ce puzzle dirigé par un parlement européen dépassé qui laisse s'installer toutes les conditions du dumping social (en autorisant, notamment, certains ouvriers, ceux des pays de l'Est, à prester pour un coût nettement différent de ceux de l'Europe de l'Ouest), dans cette Europe qui ne sera jamais construite, il faudra, de plus en plus, s'attendre à des réactions violentes de la part de catégories de citoyens se sentant de plus en plus lésés, spoliés.  

On le sait, c'est la mise en application de la taxe kilométrique qui a déclenché ce mouvement de colère d'un secteur qui n'a, malheureusement, pas toujours bonne presse auprès de la population. Désormais, tous les camions qui emprunteront les autoroutes belges et certaines nationales paieront une taxe en fonction de la puissance du moteur et surtout de la pollution émise (en rapport avec l'ancienneté des véhicules). En compensation, on supprime la vignette de 1.500 euros par camion et les transporteurs peuvent déduire une partie des montants payés à la déclaration de l'impôt des sociétés ! Tous les transporteurs étrangers (80% du trafic sur nos autoroutes) seront soumis à la même perception. La recette de cette taxe imaginée par les trois régions du pays devraitêtre utilisée à améliorer un réseau routier digne d'un pays en voie de "sous-développement" ! Si c'est comme pour la redevance télé, on risque de se faire des illusions !

Pour contrôler le kilométrage parcouru, les transporteurs doivent s'équiper, moyennant paiement, d'une installation électronique appelée "OBU". Celui qui a trouvé ce nom composé d'initiales du système a été bien inspiré car l'obu(s) vient de nous sauter à la figure ! Des camionneurs disent que ce système n'est pas au point, qu'il enregistre des taxes même à l'arrêt dans les files, que le compteur tourne sur certains itinéraires qui ne donnent pas lieu à la perception de la taxe kilométrique, qu'ils le décompte des kilomètres est parois surestimé... Nous ne pouvons que les croire sur parole !

Des kilomètres de file !

En Wallonie picarde, depuis dimanche soir, le mouvement s'est amplifié, les autoroutes sont totalement bloquées pour les camions et les automobilistes sont obligés de se faufiler dans les barrages. La E19 qui mène à Courtrai et à Bruges, la E42 ou autoroute de Wallonie vers Liège, la E429, Lille-Tournai-Bruxelles sont entièrement paralysées. Des barrages ont même été installés à Lamain, à Froyennes, à Kain et aux entrées et sorties d'autoroutes venant ou menant au bassin carrier à Gaurain. A la Glanerie, sur la route Douai-Tournai, des camionneurs ont aussi installé un barrage filtrant.

Jamais, on n'a vu un tel ruban de camions multicolores arrêtés sur deux files depuis le poste frontière de Lamain jusque bien au-delà de la sortie Kain (Tournai Expo), soit sur plus de dix kilomètres. Dans les files, on parle français, néerlandais, roumain, polonais, espagnol, anglais... C'est le symbole d'une communauté européenne à l'arrêt en raison de l'incompétence des dirigeants de chaque pays et, surtout, en conséquence de leur manque d'imagination pour trouver l'argent qui leur fait, hélas, toujours défaut suite à une mauvaise gestion ou à de mauvaises anticipations ! Après tout, nous avons les politiciens que nous méritons !

Depuis ce lundi, un barrage filtrant a été installé à Ramegnies-Chin sur l'ancienne chaussée de Courtrai provoquant des files de véhicules s'étendant, parfois, jusqu'à proximité de l'arsenal des Pompiers à l'avenue de Maire.

Des camions étrangers tournent en rond.

Dès ce lundi après-midi et durant toute la nuit, la chaussée de Lille, normalement interdite aux camions de plus de 7,5 tonne a vu défiler des centaines et des centaines de camions. Un riverain m'a déclaré, ce matin, que, durant la nuit, le flot était presque ininterrompu. On croise également de nombreux camions sur la ceinture des boulevards de la cité, à l'avenue de Maire ou à la chaussée de Bruxelles. 

Ce midi, la presse annonce que les camions sont désormais interdits de circuler sur la chaussée de Bruxelles, en direction de la ville, au-delà du rond-point "Ma campagne". De même, sur la chaussée de Renaix, ils sont stoppés à hauteur du rond-point de "Tournai-Expo". Toutefois, pas d'informations en ce qui concerne ceux qui viennent par la chaussée de Lille (nationale 7) où le barrage qui bloquait l'accès à la zone industrielle d'Orcq est désormais installé. 

La zone commerciale de Froyennes accueillent les camions bloqués en attente de pouvoir circuler, la file des véhicules stationnés débute sur le quai Donat Casterman !

Ces routes ne sont pas prévues pour absorber un tel charroi et risquent de se dégrader rapidement. Quand la grève sera terminée, les pauvres automobilistes n'auront plus qu'à pester, une fois de plus, contre ceux qui dégradent le revêtement routier. Eternel combat entre le confort des uns et l'emploi des autres !

J'ai souri lorsque j'ai rencontré, à plusieurs reprises, aux quatre coins de la ville, un camion dont la raison sociale était "Société Danfer", j'ai pensé qu'il était perdu, qu'il tournait en rond et qu'au téléphone, il devait appeler sa base en disant : "Ici, à Tournai, patron, c'est vraiment l'enfer !". Par contre, je n'ai pas souri lorsque j'ai vu un énorme camion s'aventurer sur la Grand-Place probablement guidé par un GPS déboussolé !

Et maintenant ?

tournai, camions, taxe kilométriques, files, blocagesLe temps qui passe n'arrange pas les choses, le capital sympathie qu'avaient engrangé les camionneurs en colère commence à s'éroder, des mouvements en sens divers apparaissent. Des questions sont posées par l'ensemble des automobilistes pris en otage : cette stratégie d'attendre le jour de mise en application de la taxe n'est-elle pas totalement idiote ? Au lieu de réclamer la suppression pure et simple de la taxe ne devait-on pas négocier des améliorations techniques de l'OBU et des montants perçus ? Ne souhaite-t-on pas, tout simplement, par une action spectaculaire comme celle qui est en cours faire passer le message à la population que, dès la fin de la grève, le coût du transport sera plus cher car il intègrera la taxe. Agiter le spectre de la faillite, c'est mentir à tout le monde car, in fine, la taxe, c'est tout le monde qui la paiera dans un avenir proche lors de ses achats.

Il ne nous restera plus alors, tous ensemble, qu'à aller bloquer dans leurs bureaux, pendant des jours, les élus nationaux et fédéraux atteints de cette rage taxatoire qu'on ne peut éradiquer, depuis plusieurs années déjà !

La photo représente un transport de jadis sans taxe kilométrique, tout au plus fallait-il compter le prix de l'avoine.

S.T. avril 2016.


Tournai : expressions tournaisiennes (354)

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Les raminvrances d'Edmeond et Fifinne.

Pou nos deux amisses Edmeond et Fifinne, mercredi après-deîner, ch'éteot jour de fiête dins leu n'appartemint du quai. "Viens on va ouvère eine beonne boutelle" qui m'aveot dit Edmeond de l'velle. Comme su l'gâteau d'anniversaire i-n'aveot fauqu'eine seule bougie, j ai d'mindé à Edmeond si i-n'aveot pos mis les eautesdins l'sa à z'oblis.

"Bé, laiche me t'espliquer pourquoi ch'est ainsin d'puis toudis, ch'est pasque Fifinne elle est née l'même ainnée qu'mi et... te vas pétête m'dire que ch'est des riches infantillaches mais ceulle esbroufeusse elle ne veut jamais dire s'n'âche, i-feaut vir comme ceulle berdéleusse elle me fait des misères quançque j'ai l'malheur d'dire gins qu'on est des septuagénaires, qu'à vir nos tiêtes on n'in a pétête pos l'air mais qu'on est né jusse après la guerre".

"Comme i-aureot dit l'pétit Charles Aznavour dins s'cancheonnette, j'te parle d'ein temps que les moinses d'vingt ans n'peuve'tent pos connaîte, Tournai à c'momint-là commincheot, d'quarante, à oblier les dégats".

Pindant qu'i-m'parleot, Fifinne l'orwettieot ave des is qui traduiseot'ent s'colère, d'jà prête à l'impoigner si i-aveot dit ein seul meot d'travers".

"Elle ne dira rien si j't'anneonche qu'elle est née ein verdi au matin au mitan dins eine famile de flaminds qui d'meureot dins eine cinseà Eperchin. In v'nant ainsin au meonte ein verdi dins ein grande maseon pos leon de l'route de Lamain, ch'est sans doute pou cha que d'puis soixante ans, elle a toudis l'wassinqueà s'main".

"Hureus'mint, grand dépindeu d'andoules, que j'n'attinds pos après ti pou m'aider pasque Mossieu Edmeond comme i-est né ein diminche, i-n'pinse qu'à s'orposer".

Mais l'babiéleu i-ne nous acouteot pos, Edmeond, i-sanneot même ête bin leon.

"Ah, ces bieaux jours du temps de m'jeonesse, j'creos bin que j'n'ai jamais été aussi bénaisse. Tous les diminches vers les dix heures au matin, on alleot boire l'apéro su l'Grand-Place, chez Julien Ochin. On buveot deux ou treos pintes, on f'seot des parties d'quicker et les ceusses qui perdeot'ent i-deveot'ent payer les verres".

"J'in ai aujord'hui l'prouèfe, j'l'aveos toudis pinser, tout jeone, t'éteos d'jà ein potieau d'cabaret" qu'elle a dit Fifinne bin débaltée au momint d'servir eine jatte d'café.

Edmeond i-a fait l'ceu qui n'aveot rien ormarqué et l'heomme i-a continué à l'débabeiner c'cap'let :

"A midi tapant, tertous, on ortourneot pou l'deîner à s'maseon, on mingeot l'bouli à l'moutarte ave des penn'tières, des carottes et des porieons après avoir avalé ein grand bol d'bouilleon. Ch'éteot leon d'ête ein orpas d'misère pou les gins qui aveot'ent connu la guerre. A deux heures, l'mopère i-s'leveot d'ein seul beond : "I-est grand temps d'aller à l'rue des Sports, pou vir jeuer l'Unieon, des "Infants" in rouche et vert, on éteot d'fidèles supporters. Christian, no visin, li i-éteot puteôt supporter des "Geaune et Noir" d'l'avenue d'Maire. Deux feos pindant l'saiseon, on f'seot l'route ave li, ch'éteot, te l'as seûrmint adveiné, l'jour qui aveot l'derby. On canteot, on meonteot su l'gampe de l'ein l'eaute, tout l'leong du qu'min mais, in orvenant, i-aveot bin souvint des bénaisses et des mau-contints.

"Te vinteos, ton buteur, l'fameux Roger Defever... m'n'heomme ch'est eine riche canule",

"Ahais, mais te n'dis pos que les deux goals qui marquent l'arbitre les annule, c'jocrisse conte nous i-a tout chifflé, à m'mote que te l'as seûrmint acaté".

"Bé tins et quançqu'on a inveyé Roger Lambreth aux pâquerettes, l'arbitre i-aveot probablemint de l'buée su ses neunettes.

Ces histoires d'fotbal, Fifinne, elle les aveot chint feos intindues et quançque Edmeond les raquonteot, elle ne s'in ortourneot pus.

"L'lindi au matin pour aller ouvrer, à chinq heures on éteot d'jà levé. J'feseos m'toilette pindant que l'mamère prépareot m'malette. De m'maseon à l'usine Meura i-aveot près d'treos kilomètes, on les f'seot à pied, on n'aveot pos d'véleo, acore moinse d'mobylette. Tous les lindis au soir, été comme hiver, on alleot jeuer aux cartes ou bin faire eine partie d'fiers. On orveneot bin souvint in cantant au mitan de l'rue sans jamais, comme asteur, croiser l'quémin d'ein malotru. On n'attaqueot jamais perseonne pasque les gins i-n'aveot'ent pos d'télépheone. Les seuls jours du meos dusqu'on se sinteot pos in sécurité ch'est quançqu'on aveot orchu not inv'loppe de paie".

Fifinne elle li a dit : "Te n'vas pos 'chi toudis tenir l'crachoir, ch'est à m'tour asteur d'raqueonter m'n'histoire".

"Mi, quançque j'éteos acore eine jeone file, l'diminche on pourméneot toudis in famile, m'mopère diseot qu'on d'veot profiter pou respirer l'beon air et on alleot au printemps cueillir des gringottes au beos d'Ere. In été, on parteot, alfeos, ave l'camionnette d'Désiré, no laitier, à la mer et in auteomne on rintreot l'provisieon d'beos et l'carbeon pou l'hiver et, su les camps, on alleot glâner à penn'tièrres. A l'morte-saiseon, on passeot l'dimanche auprès de l'busse in acoutant no Luc Varenne à l'INR. In décimpe, on fiêteot, ave les cinsiers l'Saint-Eloi et après ch'éteot l'Saint-Nicolas, ch'est l'seule feos qu'on orcheveot des mandarines et du chucolat. Dire que ch'est l'jour de mes dix-nuef ans que j'ai rincontré pou l'prumière feos c'n'albran; su l'plache du villache, on aveot meonté ein chapiteau et, l'soir, on y aveot organisé ein bal à chabeots". 

"J'm'in ramintuve, i-f'seot quieaud et t'aveos eine pétite ombrelle, j'ai toudis pinsé que ch'est à causse d'elle que t'm'a tapé dins l'ouèl".

"Si j'te comprinds bin... ch'est de m'nombrelle que t'es cait amoureux, bé, i-a fallu pus d'chinquante ainnées pou mi intinte parel aveu".

"Neon, j't'ai tout d'suite ormarqué pasque t'éteos toute mignonette ave tes frisettes à côté d'eine sorte d'éléphant, d'eine forte lutteuse... d'eine badoulette"

"L'badoulette, ch'éteot Monique, l'feimme de m'mofrère, m'belle-soeur, ch'est elle que te l'appeleos l'éléphant... ov'là acore eine eaute affaire que j'apprinds asteur".

"Ch'est pos mi qui a dit eine cosse parelle, ch'est n'm'amisse d'sorties, l'grand Marcel"

"Ahais, l'ceu que m'belle-soeur Monique elle aveot app'lé l'fil de fier, i-éteot tell'mint épais qui pouveot s'mucherpa d'rière s'verre de bière".

"Pou t'faire la cour, pos eine seule pinte j'nai chifflée, j'ai été à l'ieau toute l'soirée".

"Ahais, à l'ieau toute l'soirée, mais d'puis on peut dire que te t'es bin rattrapé".

"Treos meos pus tard, Fifinne me présinteot à s'famile et j'l'ai adoptée tout d'eine quançque m'futur bieau-père i-m'a dit : "Pou fiêter ceul bel évèn'mint on va in boire eine". Ahais, puteôt quate ou chinq et j'vous l'avoue que ch'a été catastrophique, je m'deminde si ch'n'est pos pa amour que j'sus dev'nu su le bord... alcoolique".

"Vingt milliards, te vas béteôt m'faire accroire que ch'est de m'feaute, bé si je n'creos pos ceulle-là te vas m'in raqueonter eine eaute".

"Et acore l'Optimisse, je n'te parle pos du jour du mariache, là aussi ch'a été eine sapré touillache. Les gins qui veneot'ent d'Tournai n'saveot'ent pos du tout dusqu'éteot Eperchin et i-ont attindu pindant pus d'eine heure qu'on vienne les querre à l'porte d'l'églisse d'Lamain".

"Cha moute que tes parints, ch'éteot des rudes annochints".

"N'dis pos rien su m'famile, i-seont tertous morts, espèce de clapette !".

"Ah cha, ch'est ti qui a qu'minché en traitant m'belle-soeur d'badoulette".

Inter nous, j'sinteos v'nir l'dispute habituelle aussi j'ai bin été obligé d'mette m'grain d'sel :

"Ch'est pos possipe, vous êtes insanne d'puis pus d'ein demi sièque et l'pus p'tite conversatieon elle tourne acore toudis au vénaique. Vous êtes asteur vieux assez pou busier ein jour à faire la paix".

J'ai alleumé l'bougie ave m'briquet et Edmeond, pa d'zeur i-a soufflé, ch'est alors qu'on a intindu Fifinne qui s'metteot à soumaquer, on intindeot bin qu'elle parleot mais on n'compreneot pos ein meot de ce qu'elle diseot :

"T'es acore pus vieux d'eine ainnée, j'te promets ceulle ainnée-chi de n'pus berler".

Saisi jusqu'à s'fusil, Edmeond i l'a ravisée et i-a dit, tout hureux : "ch'est mi qui beot mais ch'est ti qui fait eine promesse d'...buveu".

Et comme d'habitude cha s'a terminé pa eine belle marnioufe su s'nez !

(lexique : les raminvrances : les souvenirs / les amisses : les amis / l'après-deîner : l'après-midi / ouvère : ouvrir / eine boutelle : une bouteille / l'velle : la veille / fauque : seulement / les eautes : les autres / mette dins l'sa à z'oblis : mettre dans le sac (ou la poche) d'oublis, oublier / laicher : laisser / ainsin : ainsi / toudis : toujours / pétête : peut-être / les infantillaches : les enfantillages / ceulle : cette / eine esbroufeusse : une personne qui fait des manières, une faiseuse d'embarras / l'âche : l'âge / vir : voir / eine berdéleusse : une rouspéteuse / quançque : lorsque / les tiêtes : les têtes / jusse : juste /  l'cancheonnette : la chansonnette / orwettier : regarder / les is : les yeux /  les meots : les mots / anneoncher : annoncer / l'verdi : le vendredi / au mitan : au milieu / eine cinse : une ferme / Eperchin : Esplechin, village frontalier au sud de Tournai / pos leon : pas loin / eine wassinque : une serpillière / ein dépandeu d'andoules : un grand efflanqué un peu niais / s'orposer : se reposer / sanner : sembler / l'jeonesse : la jeunesse / bénaisse : content / les ceusses : ceux / l'prouèfe : la preuve / ein potieau d'cabaret : expression régionale pour désigner un pilier de bar / débaltée : déchaînée / débabeiner s'cap'let : raconter une histoire dans les détails, conter ses heurts et ses malheurs / tertous : tous / du bouli : du bouilli, pot-au-feu / l'moutarte : la moutarde / des penn'tières : des pommes de terre / des porieons : des poireaux / ein orpas : un repas / l'mopère : le père / jeuer : jouer / puteôt : plutôt / adveiner : deviner / canter : chanter / meonter su l'gampe : se moquer gentillement / le qu'min : le chemin / ein mau-contint : un mécontent / eine canule : mot entendu sur les terrains de football jadis, désignait un joueur qui ratait l'immanquable, un malhabile, à peu à peu disparu du vocabulaire des supporters / ahais : oui / chiffler : siffler / à m'mote : selon moi, à mon idée / acater : acheter / inveyer : envoyer / les neunettes : les lunettes / chint feos : cent fois / s'ortourner : se retourner / ouvrer : travailler / porméner : promener / les gringottes : les jonquilles / l'beos : le bois / alfeos : parfois / l'carbeon : le charbon / les camps : les champs / l'busse : la buse (du feu) / acouter l'INR : écouter l'Institut National de Radiodiffusion, ancêtre de la RTB / les cinsiers : les fermiers / l'chucolat : le chocolat / un albran : un garnement / l'plache du villache : la place du village / les chabeots : les sabots / s'ramintuver : se souvenir, avoir la souvenance / quieaud : chaud / à causse : à cause / taper dins l'ouèl : taper dans l'œil / caire : tomber / parel : pareil / ormarquer : remarquer / eine badoulette : une femme qui a de l'embonpoint, femme grassouillette / m'mofrère : mon frère / l'fil de fier : le fil de fer / s'mucher pa d'rière : se cacher derrière / l'ieau : l'eau / tout d'eine : d'un seul coup / béteôt : bientôt / accroire : croire / raqueonter : raconter / ein sapré touillache : une sacrée confusion / querre : chercher / moutrer : montrer / les annochints : les innocents / eine clapette : une commère / inter : entre / insanne : ensemble / ein sièque : un siècle / tourner vénaique : tourner au vinaigre / busier : songer / alleumer : allumer / pa d'zeur : dessus / berler : crier, hurler / raviser : regarder / eine marnioufe : une gifle).

S.T. avril 2016.       

Tournai : l'Escaut, on a touché le fond !

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Intéressant débat sur No Télé mais aussi sérieuse étude de caractères !

Afin d'éviter tout malentendu, précisons qu'en titre, nous parlons bien du fond du problème et non de celui du fleuve qui sera toujours de 2m60 pour les bateaux qui y naviguent.

Combien de Tournaisiens (et de Tournaisiennes) ont suivi sans s'énerver, l'âme sereine, l'intéressant débat que la chaîne communautaire "No Télé", à propos de l'élargissement de l'Escaut, avait, ce mardi 12 avril, programmé ?

Au cœur d'une cité dans laquelle la société Casterman a donné à la bande dessinée ses lettres de noblesse, c'est légèrement amusé, que j'ai regardé cette Xème empoignade tout aussi stérile que les précédentes.

Là où ils sont désormais, Réné Goscinny et Albert Uderzo ne m'en voudront pas de transformer cette royale soirée (ou pantalonnade de démocratie) en une aventure de leurs héros légendaires : "Astérix et Obélix au royaume des Francs saliens".

Les acteurs.

Il y avait en présence, pour ce nouveau scénario, l'armée romaine, tout au moins, César Imperator (Loyaers) et quatre centurions formant sa garde rapprochée et opinant sans cesse du bonnet lorsque leur chef prenait la parole. Je me suis dit : "Que voici une armée disciplinée qui affiche même le léger sourire de ceux qui pensent "cause toujours, nous ne changerons pas d'avis. Que cela soit écrit et accompli"

Face à eux, une troupe d'irréductibles Gaulois emmenée par Astérix (Benjamin Brotcorne), Obélix (Eric Van Overstraeten) et Assurancetourix (Daniel Barbez), le barde chantre de notre belle Wallonie Picarde. Ils parlaient au nom des nombreux Tournaisiens qui ont rejoint le collectif et dont une petite partie les accompagnaient mais aussi au nom d'une majorité, jusqu'ici silencieuse, qui commence sérieusement à se poser des questions face à une attitude qu'on pourrait qualifier de dictatoriale dans le chef des représentants de la Région Wallonne. L'Escaut n'appartient peut-être pas aux Tournaisiens, comme l'a déclaré dernièrement César, mais le sol doit lui être cédé s'il veut modifier le cours du fleuve.

Au centre, discrets, presque gênés d'être là, se demandant ce qu'ils étaient venus faire dans cette galère, un quintet de Druides censés représenter la sagesse de ceux qui savent et détiennent le pouvoir (à moins que celui-ci soit désormais exercé à Namur, la toute puissante Rome) ! Depuis le début, ils semblent même se plier aux injonctions de Rome et n'ont jamais défendu, avec réelle vigueur, la pierre à la halte nautique au lieu de ce bois dont on voit dans quel était il se trouve au quai des Salines et la nouvelle passerelle reliant le quartier Saint-Piat à celui de Saint-Jean. On avait vu dans le reportage un Stefaan Declerck, alors bourgmestre de Courtrai, s'opposer à la région flamande avec pugnacité, chez nous, on préfère la jouer tête basse, c'est "dramatix" et vraiment pas "comix" !

Drame ou roman comique ?

Deux reportages furent projetés afin de mettre en concurrence les arguments des uns et des autres. On comprit très vite que quelques points allaient être synonymes de friction car rien n'avait évolué depuis la séance qui s'était déroulée en l'Hôtel de Ville, un mois auparavant. Rien, le mot n'est pas très juste puisqu'il y a eu la parution sur Internet (ce papyrus des temps modernes) d'une vidéo de Panoramix, le druide faisant fonction défendant, à titre personnel, les propositions venues d'une région lointaine.

Les Gaulois opposèrent à César des arguments voulant éviter le massacre annoncé des quais de Tournai par l'élargissement de fleuve à 27 mètres, souhait des experts de la Région Wallonne, au lieu des 23 mètres préconisés par le collectif local. Quelques expressions malheureuses mais volontaires eurent le don d'énerver d'emblée le fier empereur romain, déjà fort agacé d'être ainsi contesté, lui qui semble plus être un homme habitué (dans ce dossier, tout au moins) à prononcer des ukases qu'à trouver ce bon vieux compromis à la belge, pourtant bien connu même au-delà de nos frontières. Son attitude impériale, autoritaire, voire dédaigneuse des Tournaisiens a probablement énervé plus d'un téléspectateur (dont j'étais) même si on doit lui reconnaître, en toute honnêteté, un travail considérable pour rendre accessible cette voie d'eau nécessaire au développement économique non seulement de notre région mais aussi de la Wallonie à des bateaux de la classe Va (110 mètres de long et 11 mètres de large).

Chacun campa sur ses positions, il a manqué la potion magique à Astérix et Obélix pour ne faire qu'une seule bouchée... des arguments de leurs pourfendeurs !

Quand ce fut au tour des Druides de parler, eux qui représentaient les cinq tribus habituées à récolter les voix de la population, on sentit une gêne aux entournures, un mal-être, il fallait ménager la chèvre romaine et le chou (gras) tournaisien. Il est toujours bon d'assurer ces arrières. Par Toutatis, qu'il est difficile de bien se faire voir des uns et des autres quand tout les opposent ! 

Beaucoup de ceux-ci ont probablement penser : "Comment résoudre cette quadrature du cercle ?".

Parmi ce comité des Sages, la gente féminine était majoritaire. Marie-Christine, manipulant ses papiers afin de trouver des réponses aux demandes, a semblé bien souvent louvoyer entre le point de vue du SPW et celui de la population. Comme Annie Cordix, la chanteuse qui, un jour, partit pour Lutèce, elle devait se dire : "J'voudrais bien mais j'peux point". Face à cette attitude, la caméra s'attarda sur un César regardant dédaigneusement le plafond du studio et buvant du petit lait. L'autre Marie-Christine, la sainte protectrice de la Nature, semblait tiraillée entre l'acceptation de l'autoroute à bateaux qui permettrait de diminuer le nombre de camions sur nos routes (vœux des Ecolos que je partage également) et la défense d'un patrimoine tournaisien qui ne semble pourtant plus en danger puisque le problème du Pont des Trous est, jusqu'à preuve du contraire, résolu. Benoit s'afficha nettement pour l'élargissement maximal afin de promouvoir le développement économique (c'est l'unique crédo de sa tribu). Hélène, quant à elle, botta en touche en disant que ses coreligionnaires était pour l'élargissement (ce que personne ne conteste) mais que pour le reste cela faisait toujours l'objet d'une réflexion. Enfin vint le tour de Panoramix représentant Abraracourcix parti à la conquête économix du pays de Scipion l'Africain. Lui, qu'on a déjà connu mieux inspiré, se retrancha derrière l'avis des experts (de la Région wallonne, il le précise !) mieux qualifiés que lui pour trouver une solution au problème. Pour beaucoup de Tournaisiens Panoramix, représentant officiel des Gaulois qui l'ont élu, a tout simplement endossé le rôle de Ponce Pilate ! Il n'était pas normal qu'il fustige le groupe des Tournaisiens en semblant se réfugier dans le manteau de César.

Le problème de l'élargissement, s'il est réel, ne doit pas non plus être amplifié au point d'en arriver à un tel clash. Il ne concerne finalement qu'une petite centaine de mètres du quai Saint-Brice ? Cent mètres qui risquent cependant un jour de poser un problème de sécurité : quid en cas de venue des services de secours (pompiers, ambulance, SMUR) ? Quid en cas de livraison (remplir une cuve de fuel ne prend pas cinq minutes), des travaux nécessitant un échafaudage ? Quid en cas d'accrochage entre voitures et vélos, les uns et les autres devant éviter les piétons ? On peut juste espérer un peu de tôle froissée et surtout pas de blessés.

En tant qu'ancien Conseiller en Prévention, je préconise toujours le principe de précaution, "mieux vaut prévenir que guérir" et une étude impartiale du risque doit toujours être entreprise. A cet endroit, il faut être malhonnête ou naïf pour ne pas constater que toutes les conditions sont réunies pour créer une zone accidentogène alors que le plan communal de mobilité cherche justement à éviter ce genre de danger dans la cité.

Un vrai Belge dirait : "Faisons un compromis, élargissons à 25m50, voir 26 m et nous assurerons ainsi  la sécurité sur la voie d'eau et pour les piétons sur le quai". Malheureusement, pour sceller un tel compromis, il faut être deux, la légion romaine qui était présente semblait avoir reçu pour instructions : "Soldats vous serez récompensés si vous ne cédez pas face à l'ennemi gaulois". Quant à l'arbitre, il avait pris, depuis bien longtemps, fait et cause pour le club visiteur !

Avant de terminer ce récit, louons le "maître de cérémonix", Manu Guévart, qui sut empêcher que ce débat devienne houleux car, lorsque la caméra s'attardait sur le public, on voyait des gens bouillir sur leur chaise comme au sein d'un chaudron de potion magique ! Heureusement tout le monde est resté digne, c'est à la gloire des représentants tournaisiens.

Je tiens à préciser pour ceux qui me lisent que je ne roule, ni ne navigue (!) pour personne. je ne fais partie d'aucun groupe constitué, je ne défends aucune position politicienne. Je suis un citoyen lambda, amoureux de sa ville natale, qui a horreur des conflits mesquins qui s'éternisent de par la faute de certains, tellement imbus de leur personne, qu'ils ne veulent même pas faire un pas vers l'autre et refusent de signer la "paix des Braves". Il me semble, hélas, que, depuis quelques temps, au sein de notre Wallonie certains ont acquis la fâcheuse attitude de vouloir être "calife à la place du calife" et... it's not good !-

S.T. avril 2016.

Tournai : expressions tournaisiennes (355)

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Saint-Médard i-peut ête débalté, no ville elle est asteur blindée !

Vous n'allez jamais adveiner ce qu'Edmeond i-a vu in porménant jeudi après-deîner dins nos rues. Pou aller acater ses commissieons au GB, ch'est pus court et pus gai d'passer pa l'piétonnier. Ov'là c'qui m'a raqueonté quançque, ceulle sémaine, j'l'ai rincontré :

"Adeon, après avoir pris l'rue d'l'Hôpital et ête passé au pied d'no cathédrale, in arrivant dins l'rue de l'Cordonnerie, j'peux dire que j'ai été ein p'tit queop saisi. Des ouverriers aveot'ent ouverts et pindus des chintaines d'parapuiespa d'zeur de l'rue. Des rouches, des verts, des guéaunes, des bleus, ch'est ein véritape plafeond pou l'z'amoureux. I-manqueot seul'mint ein luméreo su les voilaches et on se s'reot cru à l'velle d'ein votache. Pou eine feos, i-n'a pos eu d'jalous'té, tous les partis d'Tournai i-z'éteot'ent orprésintés. Quançque j'ai raqueonté cha du soir, Fifinne elle n'a pos voulu m'acroire. Ch'éteot pos bin grafe pasque j'li ai promis qu'on les areot vus in allant au p'tit marché, verdi.

"Des parapuies qui pindeot'ent in plein mitan de l'rue, t'es bin seûr, l'amisse, que te n'as pos eu eine bleusse vue ?".

"Neon, neon, i-seont tertousbin alignés à l'même hauteur, te direos ein ouvrache d'Arne Quinze tout in couleur !".

"Arlequin, mo... bé qui ch'est acore que c'n'albran, i-fait partie d'l'association des commerçants ?".

"Je n't'ai pos dit Arlequin mais Arne Quinze, l'ceu qui a fait ein mikado in beos pou Mons 2015".

"Mo Dieu, Mo Dieu... si les parapuies i-prenne'tent l'même quémin, i-risquent d'in cairebramint su l'tiête des gins".

"Neon, neon, pou cha, crois-me, i-a pos d'dinger, su d'solides fils de fier i-seont bin attachés".

"Beon, cha va, on ira vir d'main tes parapuies, in attindant bonsoir et beonne nuit !".

No brafe Edmeond i-a eu s'sommel bin agité, i-voleot comme Mary Poppins dins l'dessin animé. Poussé pa l'vint d'bisse comme l'jeone file, i-voleot pa d'zeur les toits d'no ville. Après avoir rasé l'patisserie Hubaut, ch'est vers l'Vierge Noire qui a été tout dreot. Queurant su les pavés de l'rue Gallait, l'paufe Fifinne elle n'arrêteot pos d'berler :

"N'va pos si leon va, m'n'amour, acoute t'feimme et fais d'mi-tour, te n'vas quand même pos aller jusqu'à... Cherbourg".

Bin accroché à s'manche, no n'Edmeond, i-sanneot avoir perdu toute raiseon. Fifinne, brayant tout s'seo, in elle-même elle s'a dit : m'n'heomme i-a seûrmint attrapé ichi l'queop du parapuie".

Pindant qu'Fifinne elle feseot à Saint-Antoine eine prière, Edmeond, li, i-survoleot d'jà l'plache Saint-Pierre.

Sorti, ein momint, pou ein feumer eine du bistreot "Au quai des Brumes", ein quervassin rintra, tout d'eine, pou dire qu'i-v'neot d'vir passer Jean de la Lune.

Eine heure après, quançque Fifinne elle est rintrée à s'maseon, Edmeond chiffleot s'pinte dins ein fauteul du saleon.

"L'prochaine feos que te t'in vas acore ainsin décrocher les neuaches, je n'te suis pus, j'sus ichi tout in nache, ces jeux-là, comarate, ch'est pus de m'n'âche".

Edmeond i-a orwettié s'parapuie avant d'aller à l'ferniête pou ouvère l'cassis.

L'paufe annochint i-a oblié d'printe l'pépin et ch'est treos mètes pus bas qu'i-atterrit su ses reins. Dins in bruit d'infer, i-s'a ortrouvé pa tierre. L'leumière s'a alleumée et Fifinne l'a ravisé.

"Cha fait eine heure que t'n'arrêtes pos d'm'arlocher !"

"Mo Dieu, m'Fifinne, si te saveos quoisqu'i-s'a passé ! ".

"Comme t'es là, t'éteos acore in train d'busierà tes ombrelles, t'es bin seûr que t'n'as pos attrapé ein queop d'aile ?".

Du verdi, à quate heures après-deîner, Edmeond et Fifinne i-seont partis pourméner.

A l'rue de l'Cordonnerie dusqu'i-d'veot'ent vir l'magnifique ouvrache, i-ont puteôt vu à l'plache ein riche dallache. Au début de l'journée, l'vint s'éteot, tout à n'ein queoprinforché et inter les cheonq clotiers d'Noter-Dame, on l'intindeot chuffiéler. Bénaisses, les parapuies s'éteot'ent mis à virevolter, hureux de s'sintir ainsin pa Eole soulevés. Hélas, l'fichelle elle n'a pos, bin lommint, résisté et les parapuies, du pavé, i-ont comminchéà s'rapprocher.

Pou bin faire, dins l'vie, on dit qu'i-n'est jamais treop tard mais i-va falloir rinforcher les suspensoirs avant l'Saint-Médard et alors on pourra pourméner in cantant jusqu'à bin tard : 

A la Saint-Médard, mo Dieu qu'il a plu, merci Ludivine, on n'a pos été... tout cru !  

(lexique : débalté : déchaîné / asteur : maintenant / adveiner : deviner / porméner ou pourméner : promener / l'après-deîner : l'après-midi / acater : acheter / ov'là : voilà / quançque : lorsque / adeon : donc / ein p'tit queop : un petit coup / des ouverriers : des ouvriers / des chintaines d'parapuies : des centaines de parapluies / pa d'zeur : par dessus, au dessus / rouche : rouge / guéaune : jaune / l'luméreo : le numéro / l'velle : la veille / l'votache : le vote / l'jalous'té : la jalousie / quançque : lorsque / raqueonter : raconter / acroire : croire / grafe : grave / verdi : vendredi / in plein mitan : au beau milieu / ête seûr : être sûr, être certain / avoir eine bleusse vue  : avoir la berlue / tertous : tous / bin : bien / ein ouvrache : un ouvrage, un travail, une œuvre / ein albran : un mauvais ouvrier, désigne aussi un mauvais garnement / l'ceu : celui / in beos : en bois / l'quémin : le chemin / caire : tomber / bramint : beaucoup / des fils de fier : des fils de fer / l'vint d'bisse : le vent du Nord / l'jeone file : la jeune fille / tout dreot : tout droit, direct / queurir : courir / berler : hurler / si leon : si loin / acouter : écouter / sanner : sembler / braire tout s'seo : pleurer à chaudes larmes / l'plache : la place / feumer : fumer / l'bistreot : le débit de boisson, le bistrot / ein quervassin : un ivrogne / chiffler eine pinte : boire un verre d'un seul trait / acore : encore / les neuaches : les nuages / être tout in nache : êre en nage / comarate : camarade / l'âche : l'âge / orwettier ou raviser : regarder / ouvère : ouvrir / l'cassis : le châssis / l'paufe annochint : le pauvre innocent / oblier : oublier / pa tierre : à terre / l'leumière : la lumière / arlocher : secouer / busier : songer / dusque : où / ein riche dallache : un fameux désordre / tout à n'ein queop : tout à coup / rinforcher : renforcer / les cheonq clotiers d'Noter-Dame : les cinq clochers de Notre-Dame / chuffiéler : souffler / bénaisses : contents / hureux : heureux / ainsin : ainsi / l'fichelle : la ficelle / bin lommint : bien longtemps / commincher : commencer / canter : chanter).

S.T. avril 2016.

 

Tournai : Quand des élèves de l'Athénée Royal se font passeurs de mémoire.

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2016.04.14 Athénée Royal Jeunes en Guerre (9).jpg2016.04.14 Athénée Royal Jeunes en guerre (7).jpgUn travail d'une haute portée pédagogique.

Ce jeudi 14 avril, la chapelle de l'Athénée Jules Bara de Tournai a attiré un grand nombre de spectateurs venus découvrir le travail de mémoire réalisé par les élèves de 6e "Option de Base Histoire", un spectacle intitulé "Jeunes enguerre", écrit et interprété par eux-mêmes et par leurs condisciples de 5e dans la même option, sous la direction de leur professeur Sabrina Decuyper.

Dans le cadre de la commémoration du 100e anniversaire du premier conflit mondial, les élèves de la promo 2015 s'étaient investis dans un long travail de recherches afin de mieux appréhender cette période sombre de notre Histoire, afin de mieux cerner une guerre qui a coûté la vie à des millions de personnes parmi lesquelles des jeunes de leur âge, également anciens élèves de l'Athénée Royal.

A long cheminement, un travail minutieux !

2016.04.14 Athénée Royal Jeunes en Guerre (5).jpgAu sein de l'établissement scolaire de la rue Duquesnoy se trouve une stèle en hommage aux élèves et anciens élèves, morts pour la patrie. Parmi les noms qui y figurent, trois ont particulièrement retenu leur attention, ceux d'OscarGodart, de Georges Demets et d'ArthurSénéchal. Le premier nommé, né en 1890, demeurait au n° 2bis du boulevard Bara, il était le frère d'Edmond Godart (1893-1973), un homme bien connu dans la cité des cinq clochers, journaliste au quotidien "L'Avenir du Tournaisis" et membre de la Royale Compagnie du Cabaret Wallon Tournaisien (voir l'article qui lui a été consacré sur le présent blog). Le second, né en 1895, habitait au n° 17 de la chaussée de Willemeau, il s'était engagé comme volontaire pour la durée de la guerre au service actif au Centre d'Instruction. Quant au troisième, né en 1892, fils unique d'un employé et d'une ménagère, il vivait au n° 22 de la rue des Croisiers et appartenait à la levée de milice de 1912. Au cours de leurs différentes recherches vont également apparaître les noms de Jean Agache, âgé de 22 ans lorsqu'éclate la guerre, originaire de Templeuve et élève en théologie au Séminaire de Tournai, de William Mitschké, lui aussi séminariste et des cousines de Jean Agache, Clotilde, Marie-Thérèse et Simone Desprets, à peine sorties de l'enfance à cette époque.  

Les carnets laissés par Jean Agache ont permis, dans un premier temps, à nos historiens en herbe de monter une exposition didactique appréciée des connaisseurs qui se tint en novembre 2015 au Centre de Tourisme sur la place Paul Emile Janson.

En cette année 2016 dont le thème est "la Résistance", ils ne pouvaient omettre d'évoquer également le visage de cette héroïne tournaisienne que fut Gabrielle Petit, espionne sous le nom de Mademoiselle Legrand, née en 1893 au Luchet d'Antoing et fusillée à Bruxelles en 1916. (voir l'article qui lui a été consacré précédemment dans ce blog)

De l'exposition au théâtre.

2016.04.14 Athénée Royal Jeunes en Guerre (6).jpgAinsi, après l'exposition, les élèves ont tenu a donner vie à ces personnages en les faisant évoluer sur la scène d'une salle de théâtre improvisée au sein de la chapelle de l'établissement scolaire. Afin de sensibiliser les jeunes générations à cette tourmente connue par leurs aïeux, le spectacle a été présenté aux classes primaires des écoles de Tournai ainsi qu'aux élèves de 3e et 4e de l'Athénée Royal Jules Bara. Le 14 avril, en soirée, le public était invité à venir découvrir le fruit de leur travail.2016.04.14 Athénée Royal Jeunes en Guerre (4).jpg

Disons le, de suite, personnellement j'ai été été surpris, subjugué et... déçu. Surpris par la richesse de la documentation retrouvée qui a permis de mettre sur pied pareille représentation historique, subjugué par la mise en scène et le jeu de ces acteurs, non professionnels, qui ont mis tout leur cœur et tout leur talent afin de nous faire passer un message tellement important à une époque où l'Homme n'a pas encore acquis la sagesse qui lui permettrait d'enfin vivre en paix. La déception ne leur est pas imputable, loin de là, elle provient de l'absence de personnalités de divers horizons qui auraient pu, par leur présence, montrer que le soutien aux jeunes d'aujourd'hui est plus qu'un discours électoraliste, plus que des belles paroles, que le devoir de mémoire est important aux yeux de tous et en premier lieu dans le chef même de ceux qui sont appelés à œuvrer pour éviter de commettre à nouveau pareilles erreurs. J'ai remarqué beaucoup plus les quelques chaises vides que toutes celles qui étaient occupées. Ne venons pas nous plaindre de ne plus voir les jeunes assister en masse, comme jadis, aux différentes cérémonies du souvenir.

2016.04.14 Athénée Royal Jeunes en Guerre (10).jpgBasée sur un fil rouge, les recherches effectuées par trois étudiants afin de connaître ceux qui donnèrent leur vie pour la patrie, la pièce permit de suivre les héros de l'Histoire, tout d'abord durant les années qui précédèrent la guerre, de les entendre dans leur classe au sein de l'Athénée évoquer des sentiments patriotiques mais aussi des réactions parfois antimilitaristes, de partager leurs inquiétudes face aux alliances qui se mettaient en place, de les accompagner lors de la mobilisation, de leur départ en gare de Tournai, d'être à leurs côtés sur le front de l'Yser ou à l'hôpital de La Panne, de partager la douleur des familles après l'armistice lorsque celles-ci apprirent qu'ils ne reviendraient pas. On assista au procès de Gabrielle Petit, un féroce combat oral qu'elle mena avec l'occupant refusant de donner les noms de ses collaborateurs, une lutte héroïque qui eut pour conséquence sa condamnation à mort et son exécution le 1er avril 1916.

A l'un ou l'autre moment, certains eurent un léger "trou de mémoire", qu'ils sachent cependant que ceci arrive également aux comédiens confirmés, aux acteurs de métier.2016.04.14 Athénée Royal Jeunes en Guerre (1).jpg

Tous méritent nos applaudissements.

Dans des décors et sous un éclairage créés par eux, soutenus par les remarquables musiciens que sont les élèves Fanny Clinquart et Pierre Van Lancker, encouragés par leur professeur Mme Decuyper qui a mis tout le dynamisme qu'on lui connait au service de ses élèves, les vingt-six comédiens (parmi lesquels Mr. Bonvarlet) donnèrent le meilleur d'eux-mêmes. Nous attribuerons cependant une mention toute spéciale à Océane qui avait repris le rôle de Gabrielle Petit, deux semaines seulement avant les représentations et qui fit preuve d'un charisme extraordinaire. Elle qui fêtait, le jour même, son anniversaire connut un grand moment d'émotion lorsque le gâteau arriva, à la fin du spectacle, sur l'air de circonstance repris en chœur par ses condisciples et le public.

2016.04.14 Athénée Royal Jeunes en Guerre (12).jpgUne soirée comme celle que nous avons eu l'occasion de partager est nécessaire, car entretenir la mémoire, rappeler les périodes troubles 2016.04.14 Athénée Royal Jeunes en Guerre (11).jpgde l'Histoire, montrer le sacrifice de ceux qui ont combattu jusqu'à la mort contre l'envahisseur pour notre liberté, c'est amener ceux qui participent au travail tout comme ceux qui les regardent à penser :

"Plus jamais cela" et pourtant...

(photos transmises par Mme S. Decuyper que je remercie)

 

S.T. avril 2016.

Avis aux nouveaux et anciens lecteurs.

Créé à la mi-avril 2008, le blog a enregistré près de 825.000 visites et reçu près de 1.300 commentaires sans compter les nombreux mails qui m'ont été adressés pour des demandes de renseignements.

Si vous souhaitez découvrir ou relire un des 1.756 articles parus, à ce jour, sur le blog, il vous suffit d'aller dans la colonne de droite au niveau de la case : "rechercher" et d'y taper un nom, une date, un mot en rapport avec votre recherche, d'envoyer la demande en cliquant sur OK et vous découvrirez tous les articles dans lesquels ce sujet apparaît.

Le blog reprend l'actualité des années 1849 à 1869 et 1900 à 2010 à partir de la lecture des journaux de l'époque, les portraits de personnes connues à Tournai, contemporaines ou décédées, les carnets du Général Antoine de Villaret décrivant presque minute par minute la journée du 24 août 1914, le récit du Major-Médecin Léon De Bongnie allant de la mobilisation d'août 1914 jusqu'à son décès sur le front de l'Yser en octobre de la même année, deux visions inédites de la guerre. "Visite Virtuelle de Tournai" traite également de sujets d'actualité : les chantiers en cours, l'élargissement de l'Escaut, la venue d'artistes dans la cité des cinq clochers, les faits divers marquants, le compte-rendu de spectacles. Il présente les différents monuments et musées. Des articles sont consacrés à la lente évolution des rues de la cité et, chaque samedi, un article est consacré à "l'expression tournaisienne", une façon amusante de se familiariser avec le patois tournaisien. Bonne lecture aux nouveaux venus !

Tournai : expressions tournaisiennes (356)

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Ein ménache bin assorti!

Vous avez ormarqué qu'on rinconte alfeos dins no vie, des gins qui n'ont pos l'air fort bin assortis, ein heomme, eine véritape montane d'pus d'chint kileos ave ein feimme qui est ein vrai carilleon d'ossieaux, ein qu'i-orsanneà ein tonnieau et l'eaute à ein p'tit osieau.

Chez Edmeond et Fifinne, ceulle sémaine, j'ai fait l'connissance d'Maurice et Carmen. Pus l'conversatieon elle avincheot, pus j'trouveos que tout les sépareot. Si Maurice, i-a a fait ses primaires à l'école communale, ch'est aux Ursulines que Carmen a préparé l'examen cantonal. D'puis toudis, Maurice i-est ein fameux anticlérical et Carmen va prier tous les jours à l'cathédrale. Pou l'fotbal, Maurice i-éteot Unionisse, ein vrai de vrai Rouge et Vert, jeonefile, Carmen, in Guéaune et Noir, accompagneot s'mopèreà l'avenue de Maire. L'diminche, quançqu'i-ont qu'minchéà fréquinter pou les matches chaquein i-alleot de s'côté. I-s'rincontreot'ent deux feos pindant l'saiseon, l'jour des derbies inter l'Racing et l'Unieon. Ave ses comarates, Maurice buveot forche pintes dins les cabarets, Carmen ch'est à s'maseon pad'vant eine tisaine qu'elle préféreot rester. Les qu'mins d'mes deux gins n'deveot'ent jamais s'croiser, aussi allez comprintequoisque dins leu tiête i-s'a là passé.

Les contraires s'attirent comme on dit et, ein bieau jour, Carmen elle a pris Maurice pou mari. Mardi Gras i-a marié Mercredi des Chintes, l'buveusse d'limonate elle s'a unie au chiffleu d'pintes. I-n'veont jamais s'intinte, i-veont toudis battlier diseot'ent, in les ravisant d'travers, les guernoules d'bénitier. I-falleot les vir, à ceulle occasieon, à l'églisse, pa d'vant mossieu l'Curé, li mal à l'aisse dins s'belle mareonne et elle perdue dins s'rope d'mariée. A l'questieon qui li éteot posée, Maurice i-a dit "oui" sans hésiter alors que Carmen, l'veox ingorlée, elle a puteôt berdélé. Quançqu'on a voulu faire l'photeo au momint dusqu'i-z'alleot'ent s'imbracher, Carmen pa d'rière s'n'heomme, elle éteot total'mint muchée. Ein p'tit rambile in saquant l'bras de s'mamère i-a dit : "Ravise mes deux gins on direot tout Laurel et Hardy".

D'puis, pou vife sans dispute et bin unis, i-ont été obligé d'faire bramint d'compromis. Elle vouleot habiter au villache, li, préféreot rester dins s'ruache,adeon ch'est dins l'cité des cheonq clotiers qu'i-passe'tent l'sémaine et l i-veont à Lamain, l'saim'di, dins eine maseon de l'famile à Carmen. Pou minger, inter Maurice et Carmen, ch'est du parel au même. I-li feaut eine platélée d'ratatoule aux porieons ou bin aux ogneons, Carmen, elle, ch'est eine pétite salate qu'elle picore ave l'appétit d'ein moucheon. Maurice i-a passé s'jeonesse à acouter et à dinser su les  airs des Beatles et d'Johnny Halliday, à l'maseon d'Carmen on acouteot religieus'mint les disques de Tino Rossi ou bin d'Charles Trenet. Au soir, pa d'vant l'télévisieon, Maurice i-n'ratereot pos rien au meonte ein épisode des "Experts", Carmen, elle préfère orwettier les "Feux d'l'Amour", "Des racines et des ailes" et Michel Drucker. I-n'a qu'eine  cosse qui peut les rassimbler, ch'est... l'journal d'six heures su No Télé, mais là-aussi si ch'est Manu qu rimplit Maurice d'bénaiss'té, ch'est pou Aniko que l'cœur de Carmen i-a toudis balanché. 

I-s'in a passé eine, i-a béteôt d'cha chinq ou six s'maines, j'ai ri quançque l'histoire elle a été raqueontée pa Carmen. In lisant, tous les matins, l'gazette, l'brafe feimme elle a attrapé l'pépette. Elle a vu que d'puis pos lommint, on voleot chez le visins, ainsin, chez Marceline, on aveot importé des liards et tout l'saint frusquin.

"Maurice, m'n'amour, j'sais bin que te vas acore m'amarvoyer mais j'voudreos qu'on mette ein système d'sécurité".

"Neon, neon,... si ein jour, in rintrant, j'truèfe ein agripeu dins no maseon, i-peut ête seûr que chez au nouvieau Chwapi qui risque d'passer l'restant de l'saiseon".

"Ahais, Maurice, mais, si ti, au matin te t'in vas ouvrer, mi, ch'est ichi que j'reste seule toute l'sainte journée".

"Alors, cha n'sert à rien, ein système de sécurité, ch'est uniqu'mint branché quançqu'on va pourméner".

"Ahais, mais Marceline, elle m'a dit que quançque elle meonte coucher, elle le met in fonctieon seul'mint su l'rez-d'-chaussée".

"Marceline elle habite eine maseon d'treos niveaux ave ein magasin, nous eautes on vit, au deuxième étache in appartemint".

Eine feos acore, inter feimme et mari, i-a fallu trouver ein compromis.

Après avoir lommint busié, Maurice i-a tranché, ch'est l'porte du palier qu'on alleot sécuriser.

L'lind'min, l'électricien i-est arrivé et i-a mis ein contact sur l'porte d'intrée.

"J'vas vous espliquer, vous allez vir, ch'est facile à ortenir, vous avez eine minute après l'avoir branchée pou sortir. Bin seûr quançque vous orvenez, i-n'feaut pos oblier d'l'inl'ver".

Comme i-seont différints, Maurice i-a tout d'suite compris, i-a pos eu d'problème mais l'paufe technicien i a presque perdu s'flamind à espliquer dix feos l'fonctionn'mint à Carmen !

Comme vous l'adveinez, cha n'a pos raté, l'prumière feos qui seont partis porméner et bé... l'alarme elle a comminché à berler.

"Ah mais Carmen, te sareos dire pourquoi t'n'es pos directemint sortie ,"

"Bé tins, j'me sus rindu queompte que j'aveos oblié d'printe m'parapuie",

"Mo bé... l'ciel i-est tout bleu, i-n'va pos caire eine goutte d'pluèfe aujourd'hui !".

"Ahais, mais si jamais i-fait d'l'orache, te s'ras bin hureux d'ête sous m'parapuie".

Quançqu'i-leu feaut partir, Maurice, li, ch'est recta, i-est toudis à l'heure, mais l'brafe Carmen elle est toudis in train d'cacher après midi à quatorze heures.

D'puis que l'alarme, à leu appartemint, elle a été installée, les visins, eusses, i-ont oblié l'sens du meot tranquilité !

Quançqu'i-seont partis pou les vacances d'Pâques à La Panne, i-ont acore vécu, comme qui direot, ein dreôle de drame.

A l'fin de l'prumière nuit, i-alleot bétêot ête six heures au matin, Maurice, comme à s'n'habitude, i-dormeot profondémint. Carmen d'puis l'prumier jour qu'i-z'éteot'ent mariés, elle aveot, comme on dit, l'sommel leuger. Tout à n'ein queop, dins l'rue, eine sorte d'sirène a ortenti et Maurice, tout paf, i-a beondi in bas de s'lit.

"Carmen, prinds l'fier à waufes et avinche-le me, j'pinse que l'porte elle a été ouverte pa ein voleu".

A l'vir ainsin, in pan d'quémisse et tout trannant, Carmen qui n'saveot pos s'ravoir li a dit, tout in riant :

"T'as oblié, Maurice, qu'on est, d'puis hier, à la Panne et ce que t'as intindu bé...ch'est l'chiffleot du tram".

Chez Edmeond et Fifinne, quançque Carmen a raqueonté l'mésavinture, i-falleot l'vir rire comme eine boîte au bure. Maurice, li, i-n'a pos dit ein meot mais on a bin vu qu'i-n'rieot pos.

Quançque j'vous l'diseos tout au début de m'n'artique, mes gins, que Maurice et Carmen, i-seont vraimint différints.

(lexique : ein ménage, un ménage, un couple / ormarquer : remarquer / alfeos : parfois / eine montane : une montagne / ein carilleon d'ossieaux : littéralement, un carillon d'os, expression utilisée pour désigner une personne très maigre, on entend aussi dire ein moncheau d'ossieau (un mont d'os) / orsanner : ressembler / ein tonnieau : un tonneau / ceulle : cette / pus : plus / avancher : avancer /  toudis : toujours / eine jeone file : une jeune fille / guéaune : jaune / s'mopère : son père / quançque : lorsque / qu'mincher ou commincher : commencer / chaquein : chacun / les comarates : les camarades / forche : force / pa d'vant : devant / eine tisaine : une tisane, une infusion / les qu'mins : les chemins / comprinte : comprendre / quoisque : qu'est-ce que / les chintes : les cendres / chiffler : siffler, chiffler eine pinte c'est boire un verre d'un seul trait / battlier : batailler / raviser ou orwettier : regarder / eine guernoule d'bénitier : une bigote / vir : voir / à l'aisse : à l'aise / l'mareonne : le pantalon, la culotte / l'rope : la robe / l'veox ingorlée : la voix étranglée / puteôt : plutôt / berdeler : signifie rouspéter mais aussi bredouiller / s'imbracher : s'embrasser / pa d'rière : derrière / s'mucher : se cacher / ein p'tit rambile : un gamin espiègle /  saquer : tirer / vife : vivre / bramint : beaucoup / l'ruache : le quartier / adeon : donc / les cheonq clotiers : les cinq clochers / parel : pareil / eine platelée : une grosse platée, une assiette bien remplie / l'ratatoule aux porieons : la ratatouille aux poireaux / ein moucheon : un moineau / acouter : écouter / l'meonte : le monde / eine cosse : une chose / l'bénaiss'té : la joie / balancher : balancer / béteôt : bientôt / raqueonter : raconter / attraper l'pépette : avoir peur / lommint : longtemps / les visins : les voisins / l'saint-frusquin : un bagage de peu de valeur / acore : encore / amarvoyer : tourmenter / j'truèfe : je trouve / ein agripeu : un voleur, un chapardeur / ête seûr : être sûr / le Chwapi : le Centre Hospitalier de Wallonie Picarde / ahais : oui / ouvrer : travailler / pourméner ou porméner : promener / nous eautes : nous autres / inter : entre / busier : songer / ortenir : retenir / l'paufe : le pauvre / adveiner : deviner / berler : hurler / s'rinte queompte : se rendre compte / oblier : oublier / printe s'parapuie : prendre son parapluie / caire : tomber / l'pluèfe : la pluie / l'brafe : le brave / eusses : eux / l'sommel leuger : le sommeil léger / tout à n'ein queop : tout à coup / ortentir : retentir / ête tout paf : être saisi, étonné, surpris, rester coi / l'fier à waufes : le fer à gaufres / l'quémisse : la chemise / tranner : trembler / l'chiffleot : le sifflet / rire comme eine boîte au bure : rire de bon cœur / l'meot : le mot / ein artique : ein article).

S.T. avril 2016.

Tournai : le Cabaret Wallon en deuil, Jean-Pierre Verbeke nous a quittés !

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Jean-Pierre Verbeke allait fêter quarante année au Cabaret !

1993 RCCWT Jean Pierre Verbeke.jpgLors de chaque petit et grand cabaret, lorsque Jean-Pierre Verbeke s'approchait du micro pour chanter, les auditeurs étaient assurés d'entendre des œuvres de qualité, des chansons que n'auraient reniées ni Eloi Baudimont, ni Albert Coens, lui qui était pétri de leur style pourtant inimitable.

Né le 10 octobre 1937, il fit carrière à la poste comme un autre membre du Cabaret, André Dupriez, un habitant, tout comme lui, du faubourg Morel.

Jean-Pierre Verbeke était entré au Cabaret en 1977, devenant ainsi, au sein de la Royale Compagnie, le septante-quatrième membre. Auparavant, il avait été primé au Concours Prayez en 1974, obtenant un 4e prix en catégorie poèmes avec "Grand-Mère" et un 4e prix en catégorie monologues avec "Cha n'estpos sérieux". Il avait récidivé en 1975, obtenant cette fois, un 2e prix en catégorie chansons avec "Ortour à l'source" et un 3e prix dans la catégorie poèmes avec "Vivre".

Tant par la taille que par le talent, c'est un grand format qui venait rejoindre le groupe des chansonniers tournaisiens. Ce détail n'avait d'ailleurs pas échappé à l'échevin Georges Seneca qui, lors du discours prononcé à l'occasion de la Fête à la Chanson Wallonne en l'année 1979, le présentait de la façon suivante : "Grand sur ses guiboles et pas chauvin" (une allusion à une de ces premières chanson).

Observateur des travers de ses contemporains, par devant sa feuille blanche, le chansonnier élaborait son texte par petites touches successives comme le travail d'un peintre confronté à la toile encore vierge. Le résultat était à la mesure du travail accompli, un véritable régal pour ceux qui l'écoutaient.

Une production féconde.

En trente-neuf années de Cabaret, Jean-Pierre Verbeke a écrit des dizaines et des dizaines de chansons, toutes vouées au succès. Il était aussi celui qui présentait avec son compère, le "Journal Canté", la revue de l'actualité qui ouvre chaque prestation des chansonniers tournaisiens.

Dans "les Coulonneux", il évoque cette passion dévorante que sont les concours de pigeons. En l'entendant chanter, plus d'un amateur l'a probablement pris pour un professionnel de la colombophilie. Son expression "la France sansles Français, cha s'reot ein bieau pays"était une réponse chantée à Coluche et à ces blagues belges que nos voisins du Sud prenaient un malin plaisir à raconter au cours des années septante et quatre-vingt. "Si l'vint s'lièfe"était une véritable ode à la liberté dont le refrain disait : " Si t'sins qu'ein jour, i-a l'vint qui s'lièfe, qu'te veux partir et tout quitter, pou réaliser tous tes rêfes, alors, te n'deos pos hésiter" (si tu sens qu'un jour le vent se lève, que tu veux partir et tout quitter, pour réaliser tous tes rêves, alors, tu ne dois pas hésiter). En 2004, il écrivait : "L'tango despeotsd'vin", dénonçant la corruption endémique, une chanson qui reste douze ans plus tard d'une criante actualité et qui, on le regretterait presque à cause de son sujet, a encore de beaux jours devant elle. Les gastronomes, ceux qui aiment les plaisir de la table, ont très certainement salivés de plaisir en l'entendant chanter "Einrich' plucache" (un repas gargantuesque), un tour d'horizon complet de plats et de boissons vu par un invité d'un repas de famille malheureusement au régime. Sur l'air des Acadiens de Michel Fugain, il décrit... "LesAcariens" : "Tous les acariens et toutes les acariennes veont pondre et copuler sous l'z'édredeons, dins les caracos (les blouses féminines) ou acor les gilets d'laine, feaut pos rir' d'cha, te d'as seûrmint à t'maseon". Retraité, Jean-Pierre Verbeke avait de suite remarqué que les journées sont encore plus éreintantes qu'auparavant, dans "Ein momintd'répit", sur l'air de Jacky de Jacques Bel, il proclamait : "Rien qu'eine heure pou arrêter l'temps, rien qu'eine heure, eine heure d'répit. Rien qu'eine heure, eine heure d'timps en  temps, rien, rien qu'pou pinser à mi". On se rappellera encore sa chanson en souvenir de Charles Trenet ou "A nos p'tites sœurs", écrite sur l'air de la complainte de la butte, en hommage aux Petites Sœurs, Servantes des Pauvres qui avaient quitté leur couvent de la rue Saint-Martin au début de ce siècle après avoir aidé des milliers de Tournaisiens en détresse. Une de ses dernières créations sera intitulée "Déviance linguistique", dans laquelle ses côtés caustiques et comiques cohabitent.   

En compagnie d'Eric Genty, il composera "L'hymne des porteurs des géants de Tournai".

Jean-Pierre Verbeke, acteur du renouveau.

Lorsque le 27 novembre 1996, l'inamovible Président Lucien Jardez démissionne du Cabaret Wallon, beaucoup de Tournaisiens, amoureux de leur patois, pensent que la Royale Compagnie du Cabaret Wallon Tournaisien va mourir après nonante années d'existence. Avec Philippe De Smet qui accepte la présidence, avec René Godet et d'autres, Jean-Pierre Verbeke, fort de ses vingt années de présence, va œuvrer pour injecter un sang neuf nécessaire à la survie de l'institution tournaisienne. En 1997, un souffle nouveau envahissait le Cabaret et de jeunes tournaisiens, défenseurs de notre patois, recevaient, enfin, la chance d'étaler leur talent. Pour les nouveaux venus, Jean-Pierre jouera le rôle de guide lors de leurs premières apparitions en public.

Sa dernière prestation sur le ponton date du petit cabaret de février 2015. Depuis un an, la maladie le tenait à l'écart de cette scène sur laquelle il prenait et donnait tant de plaisir. Ce 23 avril, elle l'a emporté et les membres du Cabaret Wallon pleurent un ami. Jean-Pierre Verbeke est entré au panthéon du Cabaret et grâce aux œuvres qu'ils nous laisse, il sera toujours parmi nous.

(photo : le Courrier de l'Escaut).

S.T. avril 2016.

 

Tournai : expressions tournaisiennes (357)

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Asteur, dins tout c'qu'on fait, on tire de l'leonque !

On dit alfeos qu'on est au sièque de l'vitesse, qu'on n'prind pus l'temps d'vife, qu'on n'prind pus ses aisses, ch'est des cacoules qu'on est in train d'nous raqueonter et, aujourd'hui, j'vas ichi, ave des eximpes, vous l'prouver.

Quançqu'ein ouvrache i-est inter les mains des fonctionnaires, te peux ête seûr que pou l'vir avancher, on va avoir bin de l'misère. Ainsin, prenez l'rénovatieon d'no vielle cathédrale, vous allez m'dire que ch'est pos ein sujet banal, que j'areos pu queusir eine toute eaute affaire, pou moutrer qu'les travéaux i-n'avinche'tent pos à l'vitesse de l'leumière. J'veux vous espliquer que dins les ainnées deux mille, on n'va pos pus vite qu'in l'an 1000.

Ch'est in mille nuef-chint nonante-nuef, après l'tornate, que tout a qu'minché et Dieu seul sait... quançque l'maseon dédiée à s'mamère elle va ête infin terminée.

J'vous esplique :  in l'an deux mille, eine bande de jeones est arrivée, i-paraît qu'i-v'neot'ent d'eine université, i-aveot'ent pou missieon d'ouvère les fondatieons pou vir et orlever su ein plan c'qu'i-aveot dins au feond. Pindant c'temps-là, l'tour Brunin i-a fallu l'ormette bin d'équerre pasqu'elle berloqueot sérieus'mint du côté qu'elle alleot caire. A l'nef romane, on a mis des tapes d'pleomb su l'toiture et su l'façate, on a nettié et cangé les pierres et ormis l'beos in peinture. Adveinez, mes gins l'temps que tout cha a duré, i-feaut queompter in tout et pour tout eine beonne douzaine d'ainnées.

I-a treos ans, on a imballé les prumiers clotiers, ch'éteot à leu tour d'ête rénovés. I-feaudra acore deux beonnes ainnées pou pouvoir infin à nouvieau les admirer. Après i-ara l'cœur gothique et ch'est là qu'est le hic, avant d'continuer, i-va falloir pinser à le stabiliser.

On va devoir tout examiner, tout carculer, busierà toutes les possibilités, confectionner ein dossier et après d'minder des budgets. Pou tout cha, te peux ajouter, à la grosse louche, eine paire d'ainnées et, surtout, espérer que l'minisse, inter temps, i-n'ara pos cangé sineon tout i-est à orcommincher. I-feaudra inviter l'nouvieau personnache à v'nir vir de no bieau monumint l'dallache. Appel d'offre aux interprisses qui pourreot'ent avoir l'ouvrache, début du chantier et montache des échafaudaches, etc... Après on deot acore orfaire les statues qui seont à l'intrée, on n'les orconneot pus elles seont toutes démingées. Et bé... les paufes ortraités Tournisiens qui seont asteur septuagnéaires pou vir leu cathédrale finie i-veont devoir vife chintenaires.

Sans bramint d'matériel, ave leu seules mains, leu fil à pleomb et leu truelle, i-a fallu quarante ans aux macheons du moyen-âche, pou bâtir cette oeuve sans parelle et i-va falloir presqu'autant pou l'orfaire toute nuève et toute belle. Si cha dure de l'leonque, i-a seûrmint eine raiseon, ch'est pétêteà causse d'ein fameux manque d'organisatieon. L'chantier i-a été saucissonné, in treos tranques i-a été décopé. Là d'zeur, i-n'a rien à critiquer, ch'est comme cha qu'on deot pratiquer, mais, pou l'chœur gothique, l'dossier i-areot d'jà pu ête étudié d'façeon à pouvoir rapid'mint continuer à l'fin du deuxième chantier.

Vous voulez eine eaute eximpe pou bin comprinte m'raisonn'mint, bé, ch'est simpe, on va printe l'autoroute inter Froyennes et Lamain. Ch'est ein véritape quémin d'creox pou les usagers qui, tout au leong d'eine journée, s'ortruèfe'tent bin souvint à l'arrêt. J'n'deos pos vous faire ein dessin, pou comprinte cha i-n'feaut pos ête fort malin, l'chantier qui ch'est qui l'gère, bé tins, ch'est acore ein d'no ministère. Les gins qui ont l'responsabilité d'faire nos routes, i-ont eine organisatieon qui est toudis in déroute. Pou rénover ein quinzaine d'malhureux kilomètes, ch'est pindant treos ans tout plein qu'on nous imbête. I-paraît qui fait alfeos treop freod et bin qu'à d'eautes momints i-fait treop queiaud, que l'patreon i-n'a pos assez d'ouverriers pou faire in même timps deux chantiers, on dit aussi que l'béteon i-feaut laicher séquer, ahais, mais i-n'est pos 'cor coulé.  I-ont toudis eine escusse à mette au treo, i-f'reot'ent mieux de les boucher... les treos.

Près de m'maseon, l'route, d'puis l'lindi quatorze mars, à l'circulatieon, elle est serrée, i-aveot tell'mint d'nids d'poule qu'on l'a rabotée, mais comme ch'est l'même interprisse qui ouèfe au Qu'min des Peupiers, on attind qu'elle a fini là-vas pou mette l'dernière couche d'asphalte su l'feond d'jà bin usé. Cha fait asteur six semaines qu'on est obligé d'faire l'détour et, pou aller à Froyennes, passer pa l'avenue Beau-Séjour. Dins les camps, de l'chaussée d'Lille au Vieux Qu'min d'Willems, on crée ein ravel, mais pou qui soiche fini, croyez me, ch'est pos d'main la velle, pindant l'journée, ein camieon, treos pelés et ein teondu, in porménant dins l'ruache, ch'est tout c'que j'ai vu. Cha s'ra pétête fini à Pâques ou à l'Ternité ou bin acore pou les congés, à moinse que l'échevin des travéaux leu dit d'ein peu accélerer, quoisque vous voulez : on peut toudis rêver. je m'dis alfeos qu'on areot queusi eine interprisse d'flaminds, no p'tit quémin i-areot été fini d'puis bin lommint.

On s'plaint toudis qui n'a pus d'ouvrache, que plein d'gins i-seont au chômache, mais quançque te fais appel à ein électricien ou bin ein pleombier, t'attinds bin souvint des meos pou l'vir arriver. Ch'est l'même dins l'service d'urgince d'ein hôpital, quançque t'es infin vu pa l'médecin, i-a bin lommint que t'as oblié que t'aveos mal.

Cha m'fait rire, mi, l'sièque de l'vitesse comme on l'neomme, bé, on d'vreot puteôt l'appl'er l'sièque des leonquespreones

Comme vous l'veyez, ceulle sémaine, j'sus rogneu mais l'météo elle est leon d'nous rinte hureux.

(lexique : asteur : maintenant / tirer de l'leonque : aller lentement, tirer en longueur / afeos : parfois / l'sièque : le siècle / vife : vivre / des cacoules : des mensonges / ichi : ici / des eximpes : des exemples / quançque : lorsque / inter : entre / ête seûr : être sûr / avancher : avancer / ainsin : ainsi / queusir : choisir / moutrer : montrer / l'leumière : la lumière / qu'mincher ou commincher : commencer / s'mamère : sa mère / ouvère : ouvrir / vir : voir / orlever : relever / ormette : remettre / berloquer : vaciller / caire : tomber / eine tape d'pleomb : une table de plomb / nettier : nettoyer / canger : changer / l'beos : le bois / adveiner : deviner / queompter : compter / imballer : emballer / les prumiers clotiers : les premiers clochers / acore : encore / carculer : calculer / busier : songer / à l'grosse louche : grosse cuiller de bois expression qui signifie approximativement, en comptant bien / l'minisse : le ministre / orcommincher : recommencer / l'dallache : le désordre / les interprisses : les entreprises / l'montache : le montage / orconnaite : reconnaitre / déminger : ronger / les paufes ortraités : les pauvres retraités / bramint : beaucoup / les macheons : les maçons / orfaire : refaire / nuève : neuve / pétête : peut-être / in treos tranques : en trois tranches / décoper : découper / là d'zeur : là-dessus / ein eaute : un autre / simpe : simple / l'quémin d'creox : le chemin de croix / s'ortruèfe'tent : se retrouvent / toudis : toujours / freod : froid / quieaud : chaud / les ouverriers : les ouvriers / l'treo : le trou / serrer : fermer / l'lindi : le lundi / ouèfe, du verbe ouvrer : travailler / le Qu'min des Peupiers : le Chemin des Peupliers / là-vas : là-bas / les camps : les champs / soiche : soit / l'velle : la veille / porméner dins l'ruache : promener dans le quartier / l'Ternité : la Trinité / lommint : longtemps / l'chômache : le chômage / oblir : oublier / les leonques preones : expression entendue dans certaines familles désignant une personne qui lambine / ceulle : cette / ête rogneu : avoir sale caractère / leon : loin / rinte : rendre)

S.T. avril 2016.    


Tournai : 1914-1918, femmes dans la guerre !

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P1240611.JPGUne exposition pour se souvenir !

On nous répète, très souvent, que le monde vit en paix depuis plus de septante années, on nous déclare, parfois, que nos frontières sont aujourd'hui sûres, on nous serine, à diverses occasions, que la communauté européenne a permis ce... miracle ! Ce ne sont que vœux pieux ou vues de l'esprit ! Comment peut-on oser dire que le monde vit en paix alors que, çà et là, sur notre planète des bombes sont larguées, des obus de canons éclatent, des rafales d'armes automatiques fauchent des habitants, des attentats suicides tuent des innocents, des femmes sont prises en otage, violées et utilisées comme une monnaie d'échange. Comment peut-on dire qu'on vit aujourd'hui en paix alors qu'on relève des centaines de victimes tombées à la gare de Madrid, dans les transports en commun de Londres, sur les trottoirs de Paris, à l'aéroport de Zaventem ou dans le métro de Bruxelles. Si le monde vivait en paix, des populations entières ne seraient pas obligées de migrer, au risque d'y laisser la vie, vers des régions qu'elles croient, parfois à tort, plus accueillantes.

Tout au long de l'Histoire, la guerre est omniprésente même si elle prend souvent différents visages, même si parfois, elle n'avoue pas son nom, même si des exactions sont bien souvent passées sous silence, un silence complice et dramatique qui étouffe les aveux que de jeunes enfants tombent sous les balles de barbares ou de fanatiques. 

P1240648.JPGA l'Hôtel de Ville de Tournai se tient actuellement une exposition organisée par les Femmes Prévoyantes Socialistes dans le cadre des commémorations de la Grande Guerre (14-18). Elle met particulièrement l'accent sur le rôle des femmes durant ce conflit. Aux côtes des Gabrielle Petit, Marguerite Bervoets, Edith Cavell, LouisedeBettignies, Hélène Dutrieu, Marie-Marthe Spruyt, Yvonne Vieslet, Marie Curie, Louise Thuiliez, Eugénie Buffet, Emilienne Moreau, Marie Van den Steen de Jehay... combien de femmes jeunes ou plus âgées ont aussi été les héroïnes de l'ombre ? C'est également un hommage qui leur est rendu.

L'exposition présente ces personnalités féminines dont les exploits s'effacent peu à peu de la mémoire collective, lavés par le temps qui passe, des femmes dont les actes héroïques effectués au péril de leur vie sont parfois, hélas, totalement absents de la conscience des jeunes générations.

Se rappeler les événements de l'Histoire, c'est éviter de commettre les mêmes erreurs, c'est ce que l'on dit mais a-t-on acquis la sagesse suffisante pour tirer les conclusions qui s'imposent. Qui ignore son passé hypothèque  inconsciemment son avenir !

Des panneaux didactiques remettant l'action de ces femmes dans le contexte de l'époque, des vitrines présentant divers objets prêtés par des collectionneurs, des projections et la diffusion de chants d'alors nous font faire un retour de cent ans en arrière.

P1240566.JPGLors du vernissage qui a eu lieu ce vendredi 29 avril 2016, le Bourgmestre Rudy Demotte a mis en exergue la contribution de ces héroïnes qui, au péril de leur vie, entreprirent des actions qui furent déterminantes pour la victoire finale. Il a évoqué le travail souvent discret des femmes qui firent tourner l'économie à un moment où les hommes étaient dans les tranchées de l'Yser ou avaient trouvé la mort sur les champs de bataille. Il a posé la question : si de tels faits devaient se reproduire serions-nous tous capable de les imiter ?   

L'exposition est visible dans le hall de l'étage de l'Hôtel de Ville, les jours ouvrables, jusqu'au 7 mai. L'entrée est libre et elle mérite sincèrement une visite. 

Le samedi 7 mai, à 14h, sur réservation, le petit train vous emmènera parcourir les rues de la ville à la découverte des lieux de la Grande Guerre à Tournai, il reste quelques places au moment où cet article est rédigé.

S.T. avril 2016.

 

Tournai : expressions tournaisiennes (358)

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Edmeond i-a l'moral dins les cauchettes.

Cha fait eine sémaine qu'Edmeond i-n'est pus sorti de s'maseon, qu'i-n'ravise pus l'gazette et n'alleume même pus l'télévisieon.

Quançque j'li ai d'mindé pourquoi i-n'vouleot pus avoir d'informatieons, i-a orlevé s'tiête tout douch'mint et i-m'a dit :

"Ah quoi beon !".

"Te sais, l'Optimisse, ch'est fini pou mi d'lusoter pa les rues de l'cité, d'aller boire eine pinte assis à l'terrasse d'ein cabaret, quançque t'acoutes les gins parler, bé, ch'est toudis parel, d'puis des meos te n'apprinds que des mauvaisses nouvelles".

"Mo Dieu, Edmeond, i-n'feaut quand même pos treop dramatiser, on a d'jà connu des mauvais momints dins l'passé".

"Bin seûr, cha... je l'sais bin, ch'est acore hureux qu'on n'a pas la guerre mais ch'est pire qu'in mai soixante-huit ou in vingt-nuef, l'ainnée de l'grante misère".

"Inter nous, l'situatieon elle n'est pos si catastrophique, tu deos ête ein p'tit queop pus dynamique. T'es là tout rameonch'lé su t'cayère et on direot presque que te vas braire".

"Pasque pou ti les évèn'mints d'Paris et d'Bruxelles, ch'est pos catastrophique et l'situatieon dins les priseons ch'est pétête du pus héaut comique. Les trains qui n'seont jamais à l'heure, pou l'navetteus ch'est ein vrai malheur. L'pétite poire pou l'seo qu't'as mis d'côté, les banques elles seont in train de te les rameoner. M'pétite pinsieon i-a deux ans asteur qu'elle n'a pus été aurmintée mais pou les ceusses qui seont à l'tiête d'no pays, l'argint i-continue à bin couler. No p'tites écolomies, elles seont in train d'feonte comme neiche au solel, te vas vir, dins deux ou treos ainnées, des paufes, i-va béteôt d'avoir à l'pelle. No minisses i-défindent l'nucléaire comme des inragés, pou eusses, cha n'a pos d'importance s'i-mettent pétête nos vies in dinger. I-feaut acroire qu'Electrabel leu a promis qu'i-z'areot'ent l'courant gratuit pou l'restant d'leu vie. Tes is, i-feaut les ouvère, i-n'a jamais eu autant d'misère su tierre, i-feaut vir les files, chaque jour, à l'porte de l'aide alimintaire, l'CPAS i-est plein à craquer à causse des gins qu'à l'porte du chômache on a rués".

"J'sais bin que c'qui s'a passé, ch'est catastophique mais cha n'est malhureus'mint pos prope à la Belgique. Si on n'arrêteot, comme te dis, l'nucléaire aujord'hui, t'es prêt à t'éclairer comme avant ave des bougies ? A moinse que te préfères n'pus orwettier pa l'cassis pou n'pos vir tourner les éoliennes pos bin leon d'chez ti ou que t'aimeros mieux pédaler dins t'cave comme ein seot pou pouvoir t'cauffer, à l'ouèl... gratis pro Déo".

"Même ichi dins no cité, si te t'mets à bin raviser, te vas vir que tout i-est occupé à s'dégringuer. Dins les rues qu'on a rénovées, on n'veot pus ein bleu tchien porméner, les magasins i-seont tertous in train d'serrer et à l'rue d'l'Hôpital ch'est même l'sommet, on direot tout qu'elle vient d'ête bombardée, on alleot faire ein palace à l'plache du cinéma, ahais... mais d'puis deux ans i-n'a fauqu'eintreoà rats. A Saint-Nicolas, no beonne veille grosse tour, d'puis huit ans, i-a eine échafaudache tout rouillé qui l'intoure et à l'églisse de l'Madeleine, on a fait ein bieau bricolache pou que les pierres n'caitent pos dins l'passache. Comme si ch'n'éteot pos 'cor assez, ch'est à l'Esqueaut qu'asteur on veut s'attaquer, s'i-n'aveot pos eu eine levée d'bouclier, l'Peont des Treos, on l'areot décoper et pou l'passache des greos batieaux, on f'reot bin vife les riverains les pieds dins l'ieau. D'puis d'z'ainnées, à Saint-Piat, on nous promet ein bieau quartier, on a tout démanoqué, mais comme Malbrouck, cha s'ra pétête construit à l'Ternité. Va, eine feos, faire ein tour su les quais et vir l'état d'l'églisse des Pères au quai. Les Tours Marvis, i-paraît qu'on va les dégager, qu'on va tout nettier, l'lierre qui pousse là i-a cor pa d'vant li d'belles ainnées. L'Palais d'Justice i-est ein mauvais état, î-s'reot urgint d'deonner des casques aux gins qui ouèfentlà-vas et pou certaines rues d'no cité, je n'vas pos acore m'délaminter, mais on pourreot, ein jour, y faire passer l'course Paris-Roubaix. ".

"A part tout cha, cha va, Madame la Marquise, i-a pos d'tracas, ch'est ainsin dins no ville, i-n'feaut pos s'faire de l'bile".

"Te n'pinses pos que t'es occupé à exagérer, des cosses, i-feaut toudis vir l'bieau côté. Quançque te vas à l'étringer, n'beonne vielle cité, i-a bramint d'gins qui dise'tent l'invier. L'bieffreo et la Halle-aux-Draps, i-ont été rénovés et no cathédrale elle s'orfait eine bieauté. L'nouvieau Centre de Tourisme pou les ceusses qui vienne'tent nous visiter, te n'vas pos m'dire qu'i-n'est pos digne de l'cité des cheonq clotiers. Sainte-Magritte, su l'plache de Lille, elle vient d'ête sauvée et à l'intrée de no ville, elle peut acore fièrmint s'dresser. L'Auberche d'Jeonesse elle est connue dins l'meonte intier pasqu'on vient alfeos d'bin leon pou visiter no cité. L'Conservatoire dins l'ilot des Primetiers, après un lifting, s'jeonesse, i-va béteôt l'ortrouvée. Dins no pietonnier, comme dins les villes du Midi, i-va avoir ein bieau plafeond ave des parapuies. Nos monumints qu'on nettie asteur, i-veont ortrouver toute leu splindeur. I-feaut aussi vir no gare quançqu'elle est illuminée, l'soir. Ave tous les queontes que te fais là, te démolin'reos eine armée d'soldats".

"Te peux continuer à m'in dire, à Tournai, on n'a pus invie d'rire !".

"On n'a pus invie d'rire et d's'amuser à Tournai, bé... ch'est là ein affreont que te fais à no Cabaret. No Filles, Celles Picardes, no Bistreot Tournisien ou acore l'annuel Karaoké, bé ch'est des éclats d'rire qui, pindant l'ainnée, seont toudis asseurés. Si t'alleos vir pus souvint les soirées des Piminteus,à m'mote que te s'reos, ein p'tit queop moins grincheu. Pindant no Lindi Perdu, nos soirées d'jeu de cartes ou bin d'jeu d'fier, te pinses que les participants i-tire'tent eine tiête jusque pa tierre. No carnaval, Tournai in fiête, no quate cortèches et no karmesse, te n'vas pos m'dire que tout cha n'te rinds pos bénaisse".

"L'Optimisse, ch'est ein surneom qui n'est pos banal, tins, te d'vreos faire partie du consel communal, comme eusses te parviendreos à faire acroire que tout va bin, même aux gins qui mindie, pou minger, ein p'tit morcieau d'pain".

(lexique : les cauchettes : les chaussettes / raviser ou orwettier : regarder / quançque : lorsque / orlever : relever / douch'mint : doucement / lusoter : flâner / acouter : écouter / parel : pareil / bin seûr : bien sûr / hureux : heureux / inter nous : entre nous / ein p'tit queop : un petit coup / rameonch'ler : recroquevillé / l'cayère : la chaise / braire : pleurer / pasque : parce que / pétête : peut-être / l'seo : la soif / rameoner : balayer / asteur : maintenant / aurminter : augmenter / les ceusses : ceux / les écolomies : les économies / feonte : fondre / comme neiche au solel : comme neige au soleil (rapidement) / des paufes : des pauvres / béteôt : bientôt / des inragés : des enragés / acrorie : croire / les is : les yeux / ouvère : ouvrir / l'tierre : la terre / vir : voir / à causse : à cause / ruer : jeter / l'cassis : le chassis / pos bin leon : pas bien loin / ein seot : un sot / cauffer : chauffer / à l'ouèl : à l'œil / s'dégringuer : se déglinguer, se disloquer / pus ein bleu tchien : plus un bleu chien est une expression parfois utilisée pour signifier qu'il n'y a plus personne / porméner : promener / tertous : tous / serrer : fermer / à l'plache : à la place / ahais : oui / i-n'a feauqu'ein treo : il n'y a qu'un trou / caire : tomber / décoper : découper / vife : vivre / démanoquer : démolir / à l'Ternité : à la Trinité / nettier : nettoyer / pa d'vant : devant / ouèfent : troisième personne du pluriel du verbe ouvrer, travailler / là-vas : là-bas /  s'délaminter : se lamenter / ainsin : ainsi / bramint : beaucoup / les cheonq clotiers : les cinq clochers / l'meonte : le monde / alfeos : parfois / s'jeonesse : sa jeunesse / ortrouver : retrouver / les queontes : les contes / démoliner : décourager / asseuré : assuré / à m'mote : selon moi, à mon idée / grincheu : mauvais coucheur à ne pas confondre avec grincheux : acariâtre / l'lindi perdu ou lindi parjuré : fête qui se déroule en janvier à Tournai au cours de laquelle on mange le traditionnel "lapin aux preones et rogins" (prunes et raisins) / bénaisse : content).

S.T. mai 2016.  

Tournai : des travaux pour vingt ans... au XVIIe siècle !

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Un retour en arrière de plus de trois siècles.

"On n'a jamais connu pareille situation !" ou "C'était mieux dans le temps !" ou encore "Quelle époque vivons-nous !". Combien de fois avons-nous entendu pareilles affirmations qui ne se fondent bien souvent sur aucune réalité. La preuve en est une nouvelle fois apportée par les travaux qui défigurent notre cité depuis près d'une quinzaine d'années et dont la fin n'est pas attendue avant un bon lustre, si le ciel ne nous tombe pas sur la tête d'ici-là.  

La rénovation du cœur historique de Tournai à peine terminée, voilà que se profile à l'horizon le gigantesque chantier de l'élargissement de l'Escaut, un sujet déclencheur de polémiques entre partisans et opposants. Le but n'est pas de revenir, une fois encore, sur les tenants et aboutissants de cette importante modification effectuée au cœur même de la cité des cinq clochers mais bien de démontrer que, par le passé, pareille situation s'est déjà présentée et que nos aïeux ont été confrontés à bien pire encore. 

Louis XIV, le bienfaiteur de la cité de Tournai.

Dans la mémoire collective Louis XIV reste comme un bienfaiteur qui a permis à la cité des cinq clochers de se projeter dans le XVIIIe siècle grâce aux importantes rénovations entreprises. Pour arriver à ce résultat si bénéfique pour leur économie, les Tournaisiens ont enduré, comme nous allons le voir, bien des tourments. 

Tout a débuté le 25 juin 1667 lorsque le Roi-Soleil fit son entrée après un siège de deux jours à peine. Il resta trois jours et revint un mois plus tard afin d'effectuer sa joyeuse entrée en compagnie de la reine et de son frère le duc d'Orléans. Très rapidement, Louis XIV avait résolu de faire de Tournai la place la plus forte des Pays-Bas.

Au printemps de 1668 (les historiens évoquent la date du 1er mai) débutèrent les travaux de construction de la citadelle. Cet important chantier nécessita la démolition de la presque totalité de la paroisse Sainte-Catherine. L'église et trois cents maisons furent détruites, les habitants furent transférés, d'office, principalement dans le quartier du Château. Les travaux demandèrent six ans et huit mois de travail, un délai très court pour ce chantier colossal. Si des milliers d'hommes de troupes (Paul Rolland évoque le nombre de 30.000 hommes, Chotin, la moitié moins) se relayèrent pour réaliser le glacis (on nomme ainsi le terrain découvert en pente douce qui précède les éléments extérieurs d'une zone fortifiée), les métiers locaux concoururent à l'édification de la citadelle. On alla chercher les terrassiers, les "roctiers" (en patois tournaisien : ouvriers qui extraient la roche en carrière), les maçons, les scieurs de long, les charpentiers, les "chaufouriers" (ouvriers travaillant dans les fours à chaux) et les charretiers.

La confection du glacis fut réalisé en trois mois.

En moins de sept années, la partie sud de Tournai avait été profondément modifiée au nom de la défense de la ville contre les envahisseurs.

L'érection de la citadelle terminée, on entama le "bastionnement" de l'enceinte de la ville. Celui-ci ayant pour but de protéger, par des ouvrages avancés, les courtines et portes de la cité. Ce travail débuta en 1671 et dura près de dix-neuf années.

Jean de Mesgrigny qui avait participé à la réalisation de la citadelle édifiée sur des plans de Vauban souhaitait obtenir un système perfectionné d'inondation qui aurait empêché l'approche de Tournai par des troupes ennemies. Pour cela, il fallait réguler le cours de l'Escaut dans sa traversée de la ville.

Les travaux de rectification de l'Escaut.

Pour comprendre l'importance du travail, il y a lieu d'imaginer le fleuve à cette époque. Parfois large de 200 pieds ou étroit de 60 (le pied est une mesure de longueur qui valait 0,324 mètres environ), il était composé d'îlots résultant de l'ensablement progressif, d'installations industrielles, de moulins placés en plein cours du fleuve... Il fut décidé de lui donner une largeur uniforme de 60 à 70 pieds (soit de 19m50 à 22m70). Une seule meunerie remplaçant tous les moulins fut construite au grand arc des Chaufours (aux environs de l'actuel Luchet d'Antoing). Cet arc des Chaufours, situé en amont de la ville, fut doté d'un barrage afin de réguler le débit du fleuve, un autre barrage existait déjà depuis 1551 au-delà du Pont des Trous en aval de la cité.

Paradoxe de l'Histoire, on réduisit la largeur du fleuve afin d'obtenir un meilleur débit, de conserver un meilleur niveau d'eau et de faciliter la navigation si importante pour l'économie du Tournaisis ! Et dire qu'actuellement on se crêpe le chignon pour une question d'élargissement afin d'obtenir une meilleure fluidité du trafic fluvial, d'assurer la sécurité des bateliers qui traversent la ville et de donner un coup de fouet à l'économie régionale !!!

Ce travail s'effectua de 1683 à 1685.

La réédification du quartier du Château.

Durant la construction de la citadelle se déroulait également la réédification du quartier du Château (entre 1670 et 1672). Après avoir élargi le pont du Château (actuel Pont de Fer), on supprima le pont Tournu, on créa à la place le pont Notre-Dame et on fut obligé de raccourcir le Pont-à-Pont.

Les conséquences pour la population.

La volonté du Roi-Soleil n'était pas susceptible d'être retardée par des manifestations de mécontentement, encore moins par des recours en justice. En vingt ans, Tournai devint une ville moderne et quitta définitivement son habit du Moyen-Age.

Néanmoins les personnes qui migrèrent d'un quartier vers un autre ne furent pas toutes d'accord ainsi les moines de l'abbaye de Saint-Mard (Saint-Médard), chassés de la porte de Valenciennes, mirent littéralement le grappin sur l'église Sainte-Marguerite, lui retirant son titre d'église paroissiale et obligeant les fidèles à se répartir entre les paroisses Saint-Nicaise, Saint-Jacques et Saint-Quentin.

Parallèlement la réalisation de ce grand projet de rénovation de la ville donna aussi des idées à des particuliers qui firent reconstruire leurs habitations dans le style qu'on appellera par la suite "louis-quatorzien", les façades étant composées de briques et de pierre sous une toiture saillante aux corniches débordantes.

Ces grands chantiers furent à charge de la Ville qui déboursa 570.000 francs or pour la citadelle et 760.000 francs or pour la rationalisation de l'Escaut. A l'époque, il n'était pas question d'aller à la chasse au subside de l'Etat.

Nous ne sommes plus à l'époque des rois tout puissants, imposant leur seule volonté au peuple, la Révolution de 1789 a instauré la démocratie et désormais l'avis du peuple est écouté mais pas toujours... entendu, certains hauts fonctionnaires, au nom du bien commun, se prennent parfois encore pour le Roi-Soleil (l'ivresse du pouvoir) ! 

(sources : "Histoire de Tournai" de Paul Rolland, ouvrage paru en 1956 et "Histoire de Tournai et du Tournésis" d'Alexandre Chotin, ouvrage paru en 1840).

S.T. Mai 2016

 

Tournai : expressions tournaisiennes (359)

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Quançque qu'Emeond s'prind pou l'pétit Charles.

"J'vous parle d'ein temps que les moinses de vingt ans n'peuve'tent pos connaîte, dins l'ville de Tournai, à c'momint-là, ch'éteot vraimint l'calme plat...".

"Eh bé, là, on peut dire que te m'surprinds, Edmeond, j'pinse que te vas pouvoir faire l'concours du Cabaret Walleon".

"Mo bé... au niveau des talents, ch'est des jeones qu'i-ont b'soin et seûrmint pos des comme mi... des vieux machins".

Vous l'avez ormarqué, cha f'seot lommint qu'on aveot parler d'elle, ch'est jusse l'momint que Fifinne elle a queusi pou mette s'grain d'sel :

"Si m'n'heomme i-éteot, ein jour, dev'nu membre du Cabaret, te peux ête seûr qui s'reot toudis à mitanquervé".

J'deveos définte l'honneur des heommes du Présidint, surtout que Christian, in puque, ch'est m'visin.

"Eh là... au Cabaret, j'les conneos tertous, ch'est ein vrai binde d'amisses, ch'est pos, comme te l'creos, eine réunieon d'chiffleus d'pintes ou bin d'Trapisses, bin seûr, i-boive'ent deux ou treos verres alfeos mais i-feaut savoir que canter cha deonne seo."

Fifinne elle a dit :

"Té, té, té...Tes amisses, ch'est des espécialisses, i-n'avale'tent pos de l'biscurisse, i-doive'tent ête vraimint malates quançque te les veos ave eine verre d'limonate".

Cha risqueot d'tourner veinaique inter eusses deux aussi j'ai cangé d'conversatieon in moins d'deux.

"Adeon, quoisque te m'raconteos quançque j't'ai copé, j'pinse que te commincheosà m'parler du temps passé".

"Ahais, l'vie elle éteot bin pus belle dins les ainnées d'après-guerre, quançqu'on qu'mincheot tout douch'mintà sortir de l'pusnoirte des misères. Comme te l'sais d'puis lommint, j'ouvreosà Warchin, aux usines Meura, j'peux t'asseurer qu'on éteot bin fier d'l'ouvrache qu'on f'seot là-vas. Quançqu'on veyeot partir, su ein camieon, eine cuve pou eine brasserie lointaine, on saveot que pou la faire, on n'aveot pos orwettierà nos heures pindant des meos et des s'maines. Pou respecter l'date d'livraiseon, on ouvreot alfeos pus d'chinquante heures et on n'orwettieot jamais à chinq minutes comme les comarates syndiqués i-feont asteur. In sortant d'l'école, à seize ans, on commincheot l'ouvrache, on cacheot ein peu partout pou n'pos aller au chômache. M'carrière elle a été leonque d'près d'chinquante ainnées et ch'est ainsin j'ai eu m'médalleà l'velle d'ête pinsieonné. I-aveot des chintaines d'ouverriers, chez Meura et chez Carton et presqu'autant à l'bonneterie Wattiez ou bin à la grante brasserie du Lion, comme l'pétit Goblet i-n'éteot pos acore né, des grèves i-n'd'aveot pos, comme asteur, pindant toute l'ainnée".

Vous m'comperdez, comme je l'veyeos viré au rouche et puis au vert, j'ai bin vite mis fin à ceulle montée de l'colère.

"Et Fifinne, te l'as rincontrée à c'momint-là ?".

"Neon, pasqu'à dix-huit ans j'sus parti soldat. Comme te l'sais, i-aveot acore l'service militaire, ch'est ainsin que j'mes sus ortrouvé, ein bieau jour, à Evere, j'aveos été versé dins les troupes d'définse de l'aérodrome, ave l'commandant, j'ai appris commint qu'on d'veneot ein heomme. Mes  ch'feux, ch'est à ras qu'on m'les a copés, acore hureux que j'aveos mes orelles pou ortenir m'béret".

Fifinne qui nous acouteot ave attintieon, elle est intervenue dins l'conversatieon :

"Bé, si elles éteot'ent d'jà comme elles seont asteur, ch'éteot pos difficile ave tes fuelles in chou-fleur".

"Et dire que ch'est au cours d'eine permissieon, que j'ai rincontré c'fameux démeon".

"I-est beon, va, j'éteos seûrmint à t'goût puisque t'a caché après mi tout partout".

"Bé, ch'est ein défi que j'aveos fait ave mon comarate, l'grand Marcel, j'aveos parié ave li que j'orsortireos du bal au bras d'eine pétite Mam'zelle".

"Bé cha alors... eine belle file comme mi elle n'éteot final'mint que... l'objet d'ein pari. J'creos que j'areos dû acouter m'mamère, elle diseot c'garcheon-là i-n'm'a pos l'air sincère".

"Je n'saveos pos 'cor qu' j'aveos saqué l'greos leot et qu'à partir de c'momint, pus jamais on n'se quittereot".

"J'in ai l'ramivrance... ch'est à la Fiête de Sainte-Anne, chez Mamourà Froyennes, sous ein gloriette que t'a pris, pou l'prumière feos m'main et que t'as comminché à m'queonter fleurette. J'veos acore l'tiête que t'as fait quançque m'mopère et m'mamère seont arrivés. On areot dit que te tranneos dins tes mareonnes et j'pinse que t'as même avalé d'travers t'tarte aux preones".

"N'me parle pus de l'tarte aux preones, si t'aveos su l'résultat, après t'avoir erconduit, j'sus rintré à m'maseon in bin triste état.... Après, on a fait les bals de l'région tous les saim'dis, on alleot chez Dudans, à l'salle Provence et au Roi des Radis".

"Même que pindant eine valse j'ai été pris d'toupiries, te t'rappelles, à l'chaussée d'Lille, sur l'piste de l'Abbaye".

"Ch'éteot l'beon temps, j'deveos t'ramener à minuit, sineon l'sémaine d'après t'éteos privée d'sortie".

"A l'karmesse, on alleot au concert au parc, à pied, pou acouter l'musique des pompiers. Ch'est Alfred Verdière qui t'neot la baguette, au conservatoire, i-éteot professeur d'clarinette. I-aveot des chintaines de spectateurs..."

"Hélas, cha n'intéresse pus perseonne asteur !".

Avant qu'on n'buque les treos queops du feu d'artifice pou anneoncher l'karmesse, ch'est l'momint dusque les gins éteot'ent fin bénaisses.

"Quançque retintisseot l'pot-pourri des cancheonnes d'Tournai, tout l'meonte i-s'metteot à canter, te t'rappelles Fifinnes".

"Ahais... ch'est ainsin dins no ville, te n'sareos pos l'canger, les garcheons et les files...".

"Ou acore... ah, Thérèse, Thérèse, ah Thérèse, si t'voudreos ête m'pétite maîtresse...".

"Ou bin... ch'est l'Unieon qui s'amène, ch'est l'Unieon Sportive Tournaisienne..."

Pou arrêter l'récital, j'ai sauté su l'occasieon qui m'éteot donnée :

"A propeos, vous avez li dins l'gazette, l'Unieon, elle va ête erformée, ave l'club d'Vaulx elle va béteôt fusionner".

L'tiête d'Edmeond elle a, tout à n'ein queop, cangé, j'aveos oblié que ch'éteot l'Racing qu'i-aveot toudis supporté. Adeon, jai pris eine positieon diplomatique avant que l'beonheomme i-n'devienne hystérique.

"Dins l'feond, on pinse'reot à orcréer les deux clubs à Tournai, cha s'reot beauqueop mieux que ceulle fusieon sans âme qu'on nous a imposée. No beonne ville elle ortrouv'reot ses derbies et les gins areot'ent à nouvieau du lari. Ch'est pa milliers qu'i-areot des supporters au stade Luc Varenne et pos, comme asteur, dusqu'on in queompteà peine eine petite chintaine. On intindreot acore ortintir, à Kain, l'marche du Racing et d'l'Unieon et l'régie du stade, ave les trinte matches elle ramassereot infin du pogneon. J'vas in causer à Mossieur Geoffroy Huez, ch'est ein avocat, i-deot savoir queompter, in puque i-est conseiller communal et s'mopère Yvon, à Tournai, i-a jeué au fotbal".

Edmeond m'a ravisé et i-a souri :

"Te veos que pou ête à nouvieau hureux su ceulle tierre, i-faudreot alfeos ortourner quarante ainnées in arrière".

N'berle pos cha treop fort pasque mi qu'on appelle l'Optimiste, j'risque d'ête surneommé pa Xavier Simon à No Télé... l'passéiste !

Ch'est pos bin grafe, n't'in fait pos pou cha, l'Optimisse, mi j's'rai toudis racingman et ti toudis unionisse.

 

(lexique : quançque : lorsque / s'prind : se prend / les moinses : les moins / seûrmint : sûrement / lommint : longtemps / jusse : juste / queusir : choisir / mette s'grain de sel : se mêler de la conversation / toudis : toujours / à mitan quervé : à moitié ivre / définte : défendre / in puque : de plus / m'visin : mon voisin / tertous : tous / des chiffleus d'pintes : des buveurs de pintes / alfeos : parfois / deonner seo : donner soif / l'biscurisse : ce mot est utilisé pour désigner une mauvaise bière, en fait, il s'agit d'une décoction faite avec de l'eau à partir d'un bâton de réglisse / malate : malade / tourner veinaique : tourner vinaigre / canger : changer / adeon : donc / quoisque : qu'est-ce que / commincher ou qu'mincher : commencer / ahais : oui / douch'mint : doucement / l'pus noirte : la plus noire / ouvrer : travailler / là-vas : là-bas / orwettier ou raviser : regarder / les meos : les mois / chinquante : cinquante / asteur : maintenant / cacher : chercher / leonque : longue / eine médalle : une médaille / l'velle : la veille / des chintaines : des centaines / vous comperdez : vous comprenez / rouche : rouge / ceulle : cette / neon : non / ortrouver : retrouver / coper : couper / hureux : heureux / ortenir : retenir / acouter : écouter / les fuelles : les feuilles / l'comarate : le camarade / eine mam'zelle : une demoiselle / eine file : une  fille / l'mamère : la mère / l'garcheon : le garçon / saqué : tiré / j'in ai l'raminvrance : j'en ai le souvenir / chez Mamour : la maison Mamour à Froyennes était une pâtisserie renommée dont une des spécialités était la tarte aux prunes, l'été, les couples allaient en se promenant dans ce salon de thé de l'époque / l'prumière feos : la première fois / queonter : conter / acore : encore / tranner : trembler / eine mareonne : un pantalon / l'tarte aux preones : la tarte aux prunes / erconduire ou orconduire : reconduire / les saim'dis : les samedis / eine toupirie : un vertige, "avoir eine toupirie" signifie avoir la tête qui tourne / l'karmesse : la kermesse / buquer : frapper / les treos queops : les trois coups / anneoncher : annoncer / dusque : où / ête bénaisse : être content / les cancheonnes : les chansons / canter : chanter / li : lu / béteôt / orcréer : recréer / beauqueop : beaucoup / avoir du lari : avoir du plaisir / queompter : compter / ortintir : retentir / berler : crier / grafe : grave).

S.T. mai 2016.          

Tournai : la lente évolution de la rue du Curé Notre-Dame

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La rue du Curé Notre-Dame.

Cette rue longue d'un peu plus de cent mètres, reliant la place Paul Emile Janson à la rue de Courtrai, est essentiellement commerçante même si on note la présence d'une petite chapelle dédiée au culte de Notre-Dame de Fatima.

La rue du Curé Notre-Dame présente un configuration un peu particulière, la rangée d'immeubles numérotés "pairs" débute à l'angle de la rue de l'Hôpital Notre-Dame semblant ainsi faire face à la place Paul Emile Janson et se termine à l'angle de la rue des Fossés. La rangée impaire se termine quant à elle à la rue des Choraux. Tant est si bien que les premiers numéros pairs de la rue du Curé Notre-Dame font face aux dernier numéros impairs de la rue de Courtrai, voilà peut-être une des causes de la confusion qu'entretiennent certains Tournaisiens.

Origines.

Voici, en effet, une artère commerciale qui ne peut être dissociée de celle qui la prolonge, la rue de Courtrai. Dans un écrit de 1608, elle est dénommée "ruelle des chanoines" en raison de la présence du cloître et de maisons de chanoines qui se trouvaient dans son voisinage immédiat. Le cloître s'élevait en effet sur le périmètre compris entre l'extrémité ouest de la place Paul Emile Janson, la rue du Curé Notre-Dame (actuelle), la rue des Choraux et le bâtiment des Anciens Prêtres. C'est en ce cloître que l'écolâtre Odon enseignait les arts à ses élèves au XIe siècle.

En 1835, on décida d'élargir cette ruelle et on allait prendre jusqu'à deux mètres et demi de terrain aux propriétés riveraines. Notons qu'à cette époque, à l'angle que la rue formait avec celle des Choraux, on trouvait une hostellerie à l'enseigne : "Au Duc de Brabant". C'est à cette même époque qu'on allait construire le bâtiment de la poste aux lettres (suivant l'appellation de  l'époque). Pratiquement en face de l'hôtel des Postes, la maison située à l'angle formé avec la rue de  l'Hôpital Notre-Dame s'élevait la demeure de Charles Lecocq. Cette homme, licencié en droit, était l'auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels "Coup d'œil sur la statistique de la ville de Tournai et de son arrondissement". Il avait été membre du Congrès National sous le gouvernement hollandais, du Congrès National ensuite et de plusieurs sociétés savantes.

Au XXe siècle.

En 1904, des "réclames" parues dans des programmes de théâtre prouvent la présence, au n°16, d'un magasin à l'enseigne "A la Semelle d'Or", maison tenue par Mr et Mme Duprez-Connard, spécialistes de la chaussure de luxe et ordinaire qui faisaient également commerce de tabac, cigares et cigarettes.

Dans des livrets de 1928 et de 1935, au n°5, on découvre l'existence de la Maison Adolphe Duveillez-Willez, spécialiste pipier, une maison fondée en 1889.

Durant la seconde guerre mondiale, la totalité des immeubles de la rue du Curé Notre-Dame fut rasée.

La chapelle de Notre-Dame de Fatima.

Au début des années soixante, on construisit, sur le trottoir des numéros pairs, une chapelle dédiée à Notre-Dame de Fatima dont le culte se trouvait avant la guerre dans la chapelle de la place Paul Emile Janson. La statue qui s'y trouve a été ramenée de Fatima par des pèlerins tournaisiens accompagnés par l'abbé Hermel (orthographe incertain). La statue en bois figurant sur la porte du petit édifice est l'œuvre de ce même abbé. Les murs de cette chapelle fréquentée quotidiennement par de nombreux fidèles s'arrêtant quelques instants pour une dévotion ou un moment de repos sont, depuis une dizaine d'années, régulièrement couverts de tags par de prétendus "artistes" et le tronc récoltant l'argent des bougies a, de nombreuses fois, été forcé par des individus, sans scrupules, en manque d'argent.   

Actuellement.

Depuis la seconde guerre mondiale, la rue du Curé Notre-Dame abrite, de part et d'autre, des maisons de commerce. Si certaines enseignes ont défié le temps, d'autres ont malheureusement disparu, les propriétaires n'ayant pas trouvé de successeurs ou ayant été victimes de la crise économique. Parmi ces disparitions, citons : le siège du journal "Le Courrier de l'Escaut", au n° 24, à l'angle de la rue de l'Hôpital, à l'emplacement de l'ancienne maison de Charles Lecocq, abandonné lors de la fusion avec le groupe d'éditions "Vers l'Avenir". Ce bâtiment construit, il y a soixante ans, a été rasé au début de cette année 2016 et laissera prochainement la place à un immeuble à appartements situés au-dessus d'une rez-de-chaussée commercial. Les travaux de construction devraient débuter sous peu.

Au n°20 et 22, on découvrait l'enseigne "Aux Milvêtements", un magasin spécialisé dans la vente d'anoraks, imperméables, manteaux, pulls et pantalons. Il y a une vingtaine d'années, après sa fermeture, le lieu devint "L'espace Pic-Puce", une galerie commerciale. C'est sur cet immeuble que Gérard Depardieu eut des vues afin d'ouvrir un bar à vin et une agence immobilière. Le bruit a même couru dans la ville qu'il se réservait un appartement à l'étage. La réalité est que seule l'agence immobilière a vu le jour au n°20 et que l'autre partie est, hélas, restée vide et victime de vandales, une lubie d'un grand comédien, un des derniers monstres sacrés du cinéma français, qui ne sait malheureusement où se fixer !

Les Tournaisiens les plus âgés se souviendront probablement des commerces qui fleurissaient de part et d'autre de la rue, ils avaient pour nom : outre le siège du Courrier de l'Escaut et l'espace Pic-Puce, la "boucherie-moutonnerie Callens" au n° 14, transformée en salon de coiffure, "Babyshop", au n° 14a, vêtements pour enfants, le magasin "Bridoux", au n° 8, quincaillerie, outillage, "Meuble-Centre", au n°4, une enseigne toujours présente, le café "Au Duc de Brabant", au n°1, les établissements "Stéphane Wilfart", au n°5, chauffage et cuisines, le photographe "Photo Mil", l'épicerie "Paul Ménart", au n°15... plus près de nous, le chocolatier "Laurichesse".

Sur la quinzaine de commerces que compte la rue du Curé Notre-Dame, trois vitrines sont actuellement vides. On trouve désormais, une boutique de vêtements, une boulangerie-pâtisserie, un magasin du monde Oxfam, un magasin de décorations étrangères, une agence immobilière, un salon de tatouage, un salon de coiffure, un organisme financier, une boutique pour soin des ongles, un magasin consacré à la literie et un magasin de fruits et légumes.

(sources : "Tournai, Ancien et Moderne" de A.F.J Bozière, ouvrage paru en 1864 - différents prospectus publicitaires et programmes des années 1903 à 1965 - L'Optimiste remercie les propriétaires de la maison Elec-Confort pour les renseignements fournis).

S.T. mai 2016.

Tournai : expressions tournaisiennes (360)

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Mais queu triste époque on vit asteur !

Asteur quançque ch'est pou rire ou passer ein beon momint, i-a bramint d'gins qui feont gnien-gnien. Dins no ville, on queompte su les déogts d'eine main les ruaches dusque les habitants arrive'tent acore à s'écanger ein salut amical, pasqu'asteur les gins, quançque te les rinconte, te direos toudis qu'i-z-orvienne'tent d'eine cérémonie d'funérales. Même à l'sortie de l'gramesse du diminche, les fidèles sortent bin vite d'l'églisse l'tiête baissée, i-z'évitent les gins pou n'pos devoir leu parler, i-ont eine escusse, i-feaut vite aller préparer l'deîner. Pourtant si i-a bin ein lieu dusque qu'on dit qu'i-feaut tinte l'main aux eautes, ch'est bin là, hélas, l'vérité est d'ein côté de l'porte mais pos d'l'eaute. On va finir pa m'faire acroire que les gins pasqu'i-ont toudis été, i-veont là-vas pa habitude ou pou bin s'faire vir du curé.

Ch'est du parel au même, on n'osereot pus dire eine blaque dins les at'liers et les buréeaux, pou rire et détinte l'atmosphère, on n'osereot pus dire ein seul meot, l'temps d'avant i-est d'puis bin lommint oute, vraimint fini, on a bin treop l'esquite d'orchevoir s'billet d'sortie. L'joie qui éclateot au grand jour, elle a fait placheà l'tristesse des ténèbres, on direot qu'asteur tertousouef'tent dins eine interprisse d'peompes funèbres. Au neom de l'sacro-sainte rintabilité, on a fini pa tuer l'amitié ! Pourtant, i-a des gins qui ont acore ein leuger sourire d'bénaiss'té, ch'est les actionnaires au momint d'incaisser leu part des bénéfices à l'fin d'l'ainnée. 

Vous avez aussi ormarqué qu'on n'veot pos ein seul riou dins no gouvernemint, i-vienne'tent tertous, l'ein après l'eaute, à l'télévisieon ave des tiêtes d'intierr'mint. Quançque j'les veos, je m'dis alfeos : "Quoisqu'i-va acore ichi nous caire su l'pal'teot". J'comprinds pourquoi qu'on appelle no ministres, d'puis lommint d'jà, Messieurs les sinistres. Au roi, j'ai alfeos invie d'écrire : "Majesté, vous êtes intourée d'bin tristes... sires". I-ont l'air tell'mint convaincu quançqu'i-vienne'tent te dire su ein teon d'homélie, que les bieaux jours i-s'reont béteôt là, que l'pire i-est pa d'rièreti : "No pays ou bin no régieon s'erdresse, tout va bin, vous voulez eine prouèfe, mes gins, bé, on a ein peu moinse d'chômeus in puque qu'on aveot l'ainnée dernière au même momint (j'vous laisse adveiner ce que cha veut dire in beon frinçais)". Mi, j'sus pétête l'seul à les comprinte, comme i-seont toudis in train d'cacher après du pogneon, d'aurminter les tasques et d'presser les paufes chitreons, i-n'veont quand même pos v'nir canter "I-a d'la joie", à m'mote que cha s'reot, ein p'tit queop, indécent pou des ceusses qui feont les lois.  

A l'télévisieon quançqu'i-a, alfeos, des programme fait pou nous faire sourire (j'pinse à Patrick Sébastien, à Cyril Hanouna, à François Pirette ou à Jérôme De Warzee), te veos des commintaires dins les gazettes ou bin su internet disant que "cha vole bas", que "ch'est vulgaire", que "cha n'veaut pos tripette". J'les intinds les ceulles qui, pou parler, mette les preones dins les quertins, i-seont toudis in train d'sortir des phrases ainsin : "Chez nous nous ne regardons pas cela, ma chère Elise, ce ne sont que bouffons racontant des bêtises, nous préférons bien mieux nous cultiver en regardant une émission à propos des cultures empoisonnées sur Arté" (en français dans le texte).  

A no Maseon d'la Culture, on fait asteur dins l'élistisme, ch'est fini les pièches classiques, ch'est terminé l' théâte  d'boul'vard, on préfère moutrer des spectaques dusque te deos t'creuser l'tiête pou ti comprinte eine séquoi. Ainsin, j'éteos abonné d'puis mille nuef chint soixante-nuef et j'réserveos, beon an, mal an, invireon eine douzaine de soirées su eine saiseon. J'ai connu des momints estraodinaires ave "Les Bijoux de la Castafiore", les classiques d'Molière, les orprésintatieons des Baladins du Miroir, les canteus et les humoristes, les pièches ave Jean Piat ou Annie Girardot, les Comédians d'Barcelone... Aujord'hui, tout cha ch'est bin fini. Pou définir l'programme queusi pa les élites culturels d'asteur, ave des amisses, on a trouvé eine espressieon, in sortant de l'salle, on dit : "Cha d'veot ête bin, on n'a rien compris". Eine feos, à l'fin d'eine pièche, les comédiens éteot'ent tertous morts, massacrés à l'tronçonneusse, rimplis d'hémoglobine (ch'est du théâte, i-se seont orlevés pou les applaudiss'mints nourris... d'eine paire d'spectateurs...!), j'ai vu ein heomme quitter s'fauteul et dire : "J'in ai assez vu, on n'm'ara pus, j'éteos v'nu ichi pou m'canger les idées..." l'paufe, i-éteot chirurgien pindant l'journée. Quançqu'on a fini s'journée d'traval, quançqu'on a vu les nouvelles au journal télévisé, quançqu'on a li des drames dins l'journal, on a invie de s'détinte et pos d'aller vir des albrans in train de s'torturer leu cervelle et d'démanoquer l'peu d'moral qui pourreot acore nous rester.

Dins les ainnées soixante, su eine sémaine, on ouvreot 'cor quarante deux heures mais l'ouvrache i-éteot fait et bin fait dins eine continuelle beonne humeur. J'ai l'raminvrance des beons momints qu'on passeot inter copains.

On a vu arrivé, ein bieau matin, ein collègue qui aveot du mau à ses dints. Pindant deux heures, l'bajote inflée, i-n'a pos arrêter ein instant de s'délaminter.

"I-feaut aller vir ein dintiste" que tertous on li a dit

"Bé neon, i-a inl'vé m'dint hier, à chinq heures et d'mi".

In intindant cha, sans s'faire ormarquer, dins l'buréeau d'à côté, l'chef du service su eine machine à écrire ein p'tit meot i-a tapé.

Chinq minutes pus tard, l'chasseur i-est arrivé tout sérieux et i-a ormis l'lette, in main prope, au pleurnicheu.

"Mo bé, cha n'éteonne pos que j'ai mal ainsin d'puis hier au soir, l'dintiste i-m'écrit qu'i-a laiché ein morcieau dins m'mâchoire".

Comme l'dintiste i-habiteot jusseà côté, i-est parti pou s'faire soigner.

"J'ai orchu vo lette et tout d'suite j'sus v'nu, vous pouvez faire eine séquoi pou que je n'souffère pus".

L'dintiste i-a pris l'lette et l'a li et, tout à n'ein queop, plein s'panche i-a ri.

Orvenu à s'plache dins no buréeau, l'paufe i-n'a pus dit ein seul meot.

A l'fin d'journée, l'chef i-s'a approché et i-est v'nu li d'minder : 

"A propeos, quoisqu'i-a dit l'dintiste, j'm'escusse, j'l'aveos oblié !".

"I-a dit qu'i-aveot ichi ein riche fouteu d'coules, qu'i-n'aveot pos écrit, que ch'éteot eine cacoule".

Soyez rasseurés, l'jour dusque j'vas ortrouver l'fautif, j'vas li foute eine riche marnioufe su s'guife".

"J'veux bin, i-a pétête ichi dins ceulle pièche ein minteu, mais quançque t'es orvenu on n'a pus intindu l'plaigneu".

Bin qu'étant asteur ortraité, je n'vas jamais pouvoir oblier, ceulle histoire qu'ave ein stagiaire s'a ein jour passé.

A midi, i-n'a pos voulu sortir pou deîner, i-a préféré rester à s'plache pou s'orposer. Quançqu'on est orvenu, su s'tape, on l'a ortrouvé indormi, on a alors tertous décidé de n'pos faire de bruit. Ein quart d'heure on a laiché passer et, ave fracas, on s'a tertous ordresser.

"Acore eine de faite, allez à d'main, i-va falloir dérinvier l'copain".

Mes amisses, vous ariez vu l'tiête qui a fait, i-a pinsé qu'i-aveot dormi tout l'après-deîner.

No vie elle a cangé l'jour dusqu'on a vu arriver les prumiers jeones leups universitaires, i-n'viveotent pos dins l'même meonte, i-z-éteot'ent beauqueop pus fiers, on n'deveot pus rire pindant l'journée, ch'éteot eine heonte, on éteot ingagé fauqu' pou ouvrer. I-z'aveotent jusse oblié que pindant les ainnées d'université, i-aveotent fait les quate chints queops, chiffléforche bières et organisé des baptêmes bin au-delà des limites des belles manières. Pou eusses, quoisque vous voulez, ouvrer in riant ch'est de l'vulgarité !

Pou arriver asteur, i-feaut écraser s'visin, on n'a pus d'amisses, on n'a pus d'copains et, bin souvint, ceulle "saine émulatieon", elle est incoragée pa les patreons. On est in train d'faire eine génératieon d'battl'ieux et on dit que les gins n'seont pus hureux.

(lexique : queu : quel(le) / asteur : maintenant / quançque : lorsque / bramint : beaucoup / faire gnien-gnien : rechigner, faire la fine bouche / queompter : compter / les déogts : les doigts / l'ruache : ici utilisé pour désigner le quartier / écanger : échanger / rincontrer : rencontrer / toudis : toujours / les funérales : les funérailles / l'gramesse : la grand messe / eine escusse : une excuse / deîner : dîner / dusque : où / tinte : tendre / les eautes : les autres / acroire : croire / là-vas : là-bas / vir : voir / parel : pareil / l'blaque : la blague / l'at'lier : l'atelier / détinte : détendre / lommint : longtemps / oute : passé / avoir l'esquite : avoir peur / orchevoir : recevoir / l'plache : la place / tertous : tous / i-ouèf'tent : ils travaillent, du verbe ouvrer / leuger : léger / l'bénaiss'té : la joie / ein riou : un rieur / ein intierr'mint : un enterrement, une inhumation / alfeos : parfois / ichi : ici / caire : tomber / l'pal'teot : le paletot / béteôt : bientôt / pa d'rière ti : derrière toi / s'erdresser : se redresser / l'prouèfe : la preuve / moinse : moins / adveiner : deviner / pétête : peut-être / comprinte : comprendre / toudis : toujours / cacher : chercher / aurminter les tasques : augmenter les taxes / l'chitreon : le citron / à m'mote : selon moi, a mon avis / eine p'tit queop : un petit coup / les ceusses : ceux / n'pos valoir tripette : ne pas valoir un clou, ne pas valoir grand-chose / mette les preones dins les quertins : parler avec emphase, pérorer / ainsin : ainsi / les pièches : les pièces / moutrer : montrer / les spectaques : les spectacles / eine séquoi : quelque chose / les canteus : les chanteurs / queusi : choisi / orlever : relever / albrans : garnements, mauvais ouvriers / démanoquer : détruire / j'ai l'raminvrance : j'ai le souvenir / inter : entre / l'bajote : la joue / s'délaminter : se lamenter / ormarquer : remarquer / chinq : cinq / l'lette : la lettre / laicher : laisser / j'souffère : je souffre / rire plein s'panche : faire bonne chère à rire / l'paufe : le pauvre / ein fouteu d'coules ou ein minteu : un menteur / eine cacoule : une invention, un mensonge /  eine marnioufe : une gifle / l'guife : la figure / ortraité : retraité, en Belgique on dit également pinsionné, pensionné / s'orposer : se reposer / l'tape : la table / laicher : laissé / dérinvier : réveiller / les prumiers : les premiers / jeones leups : jeunes loups / l'meonte : le monde / beauqueop : beaucoup / fauque : seulement / chiffler : avaler un verre d'un trait / forche : force / l'visin : le voisin / incorager : encourager / des batt'lieux : des batailleurs).

S.T. mai 2016.    

Tournai : la propreté publique à travers l'Histoire.

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Vaste débat que celui de la propreté publique, c'est pourtant un des aspects non négligeable que relève le visiteur venu découvrir les richesses de notre ville. Une cité peut s'enorgueillir d'un patrimoine historique ou architectural extraordinaire, elle peut posséder les plus beaux espaces verts ou mettre en valeur ses monuments, si la saleté est omniprésente, ces trésors que le monde nous envie sont totalement dévalorisés. Comme nous le verrons, depuis le Moyen-Age, la propreté des villes a toujours fait débat et, peu à peu, certaines ont mieux réussi que d'autres à développer cette notion d'hygiène publique parmi leur population. Comme en toutes choses, ce n'est qu'une question d'éducation.

Les premiers règlements communaux.

Les différents écrits et plans de ville qui sont parvenus jusqu'à notre époque montrent, qu'au Moyen-Age, les rues de Tournai étaient étroites, tortueuses, remplies d'immondices et de décombres. Peu pavées, elles servaient de soue pour les porcs et se transformaient bien souvent en égouts à ciel ouvert où pullulaient les colonies de rats. Les eaux pluviales qui entraînaient ces déchets s'écoulaient dans des fossés dénommés "warwandes" se terminant dans l'Escaut. On n'est donc pas étonné que les épidémies de peste et de choléra étaient endémiques à l'époque. Soil de Moriamé, sur base d'archives disparues lors des bombardements de 1940, a constaté que les rues du centre de la cité tournaisienne semblaient déjà pavées au XIIIe siècle car, au début du XIVe, on pavait déjà les rues plus éloignées du cœur de la cité.

Déjà au XIIIe siècle, les Magistrats de la ville avaient élaboré un règlement pour lutter contre ce fléau qu'était le manque d'hygiène.

Voici quelques extraits d'un règlement de 1280 :

"Que personne n'entasse ni branches, ni fagots dans les fossés de la ville, ni à 100 pieds d'aucune maison de la ville sous peine de 100 sous maximum - Qu'aucun forgeron ne jette l'écume de sa fournaise en la rue, sous peine de 100 sous, mais le fasse assembler et mener au champs - Que personne" ne haus, ne bas" (ni grand, ni petit) devant sa maison jette "ne tierre, mierde, ne écouville ne ordures" (ni terre, ni excréments, ni détritus, ni ordures) à moins qu'il ne le fasse assembler ou assemble en 1 mont et l'en fasse mener aux champs sous peine de 20 sous - que nul ne jette à l'Escaut à la porte du "Bourdiel" (tour du Pont des Trous située sur la rive gauche) détritus ou ordures sous peine de 20 sous - que nul ne jette dans les fossés de la ville détritus ni escloits (urine) ni ne fasse courre *(ne défèque) sous peine de 100 sous...".

* le mot "courre" vient de "corée" désignant les intestins et entrailles, le terme "corrante"était utilisé à l'époque pour désigner la diarrhée (petit détail scatologique)

Certains lecteurs seront choqués de découvrir pareils termes, images d'une époque révolue, mais, à la notre, n'urine-t-on pas, ne défèque-t-on pas et ne vomit-on pas encore dans les rues de la ville ? Ne va-t-on pas déposer des déchets, détritus, tontes d'herbe, branchages sur les terrains vagues ? Les canettes et mégots ne sont-ils pas devenus les détritus des temps modernes quand ce ne sont pas des seringues usagées !

La préoccupation des Magistrats dans leur lutte pour assainir les rues de la ville ressemble à un combat qui dure depuis... des siècles.

Ainsi, une ordonnance de 1401 stipule :

"Qu'il ne soit aucune personne qui, dès ce jour, ait des porcs allant par la ville, sans garde, sous peine de 10 livres et de perdre les porcs (...) que nul n'ait des porcs allant par le marché au grain le jour du marché, gardés ou sans garde, sous la dite peine".

Ainsi également une ordonnance de 1407 émanant de l'exécuteur de la juste laïque :

"Il est accordé qu'il puisse prendre et emprisonner tous les porcs allant par la ville, mais qu'il n'en épargne aucun et que la ville en ait la moitié".

Une ordonnance de 1440 reprend le texte édicté en 1401 et ajoute :

"Qu'il ne soit personne qui mène ou cache, ni fasse mener ou cacher des porcs dans les défenses qui sont sur les fossés au Bruille (actuel quartier du Château), sur les dunes du grand ou petit Marvis, dans ou hors la ville, sous peine de 40 sous et des lois de la Justice (...). Qu'il ne soit personne demeurant en notre justice sur la rivière d'Escaut qui ait ou tienne des porcs ou des truies pour les y nourrir et engraisser, sous la dite peine . Qu'il ne soit personne qui puisse avoir ou mener, souffrir ou laisser ses truies, porcs, moutons, brebis, agneaux, vaches, bœufs, taureaux, chevaux, poulains, juments, chèvres, boucs ou autres quelconques bêtes (une véritable ménagerie) sur les "boullewers" (tours de guet ou de défense) ou dans les fossés de la ville, ni sur la forteresse de celle-ci, sous peine de 40 sous et de perdre les bêtes...".

Dans les écrits de 1456, on voit apparaître la mention de "banneleurs", probablement des ouvriers payés pour évacuer les déchets. Pour la première fois, les magistrats avaient mis le pied dans un engrenage qui allait avoir de beaux jours devant lui car "faire le travail à la place d'un autre n'encourage pas celui-ci à le réaliser lui-même". Nos petits "hommes verts" actuels (qui sont désormais en jaune) ne nous démentiront pas, leur travail quotidien qui consiste à traquer et à enlever le déchet laissé par les citoyens peu respectueux de l'environnement semble être un éternel recommencement.

"Qu'il ne soit aucune personne qui porte ni ne fasse porter au grand Marché de Tournay, en la place Notre-Dame, contre le beffroi, ni au Marché-aux-vaches, excepté entre les "estaques" (pieux et poteaux), fumier, "groises" (graviers, grès), ordures ni déchets, mais fasse porter et mener cela aux champs... sous peine de 20 sous. Qu'il ne soit valet, servante ni autre quelconque personne, qui balaie, pousse, ni ne fasse pousser ou mettre en ruisseaux de la ville ordures ni déchets, sous peine de 20 sous, que personne ne balaie sur les chaussées à moins qu'il ne pleuve ou ne tombe de l'eau des nuées (!), sous la dire peine...".

Ainsi au cours des siècles, les règlements deviennent de plus en plus précis pour donner un aspect plus propre aux rues et surtout pour lutter contre des vecteurs de maladies.

Apprendre la propreté à la population est une mission qui semble plus difficile encore que de l'apprendre à un enfant qu'on éduque car un effet de masse joue continuellement, le pollueur se fond dans l'anonymat de la foule pour se garantir une certaine impunité. Peu à peu, on a rendu chaque citoyen responsable de la propreté de la voie publique située en face de sa propriété. "Balayer devant sa porte" est même devenu une obligation. A Tournai est née l'expression "Faire s'rang"

Les ordonnances du XIXe siècle.

Le 28 août 1843, le Magistrat fut obligé de rappeler les termes d'une ordonnance de 1806, preuve que la lutte contre la saleté devait, en permanence, être rappelée, chaque génération d'habitants tombant vite, sur ce point, dans un laisser-aller coupable. Les termes ne sont pas équivoques :

"Considérant qu'il importe de rappeler à nos concitoyens les obligations qui leur sont imposées par diverses dispositions du règlement du 1er décembre 1806, relatif à quelques parties du service de la voirie et, notamment au balaiement (sic) et nettoiement des rues".

Suivent plusieurs dizaines d'articles dont nous allons extraire les principaux :

Article 2 : l'heure du balaiement sera annoncée par la cloche qui sonne habituellement l'heure de la retraite.

Article 3 : la charge du balaiement (orthographe de l'époque) incombera aux habitants, selon la situation et la nature de leurs maisons et héritages.

Article 4 : tout habitant occupant une maison au rez-de-chaussée, à quelque titre que ce soit, sera tenu d'en balayer ou d'en faire balayer régulièrement le devant, selon son étendue, y compris celui des cours et jardins. (...). Les propriétaires des maisons inhabitées ou ceux qui les représentent seront tenus d'en faire balayer le devant, comme s'ils habitaient eux-mêmes. Les alentours des églises, anciens cimetières, maisons d'établissements publics, devront être balayés par les concierges ou portiers de ces édifices ou établissements...

Article 8 : les habitants auront, trois fois la semaine, les moyens de se débarrasser gratuitement de tous les objets qu'il leur est défendu de jeter dans les rues et places publiques  (mise en place du système de ramassage des immondices qui sera défini en l'article 18).

Article 12 : lorsqu'il y aura de la poussière, chaque locataire ou propriétaire, avant de balayer, devra jeter ou faire jeter, dans les rues, places publiques, chacun dans l'endroit où il est tenu de balayer, autant d'eau qu'il sera nécessaire pour empêcher que la poussière incommode les passants ou ne puisse nuire aux marchandises qui se trouvent dans les boutiques voisines.

Article 18 : lorsque les charrettes chargées de l'enlèvement des boues passeront dans les rues et places publiques, les habitants qui en seront avertis par le son de la clochette, sont invités à venir jeter dans ces voitures ou de présenter à l'une des personnes (les adjudicataires) tous les déchets de volailles ou autres animaux, les épluchures de légumes, les herbes, les pailles, les cendres et autres objets susceptibles d'être transformés en engrais.

Article 39 : tous les propriétaires des maisons où il ne se trouverait point de fosses d'aisances ou latrines sont tenus d'en faire construire une (dont l'étendue ne doit pas être en-dessous de deux mètres cubes) dans les huit mois qui suivront la publication de cet arrêté, ceux qui ne se conformeront pas au présent article seront condamnés à une amende de 3 francs et aux frais de la dépense qu'entraîne la construction d'une latrine qui sera faite d'office par les ordres du commissaire de police.

Actuellement.

L'autorité communale a mis en place divers services qui permettent de lutter contre les nuisances engendrées par la malpropreté.

Il y a le ramassage régulier des immondices qui s'effectue deux fois par semaine au centre-ville et une fois par semaine dans les quartiers situés à la périphérie. Ce service est payant par le biais d'une taxe communale et par l'achat de sacs réglementaires.

Il y a le ramassage à domicile, au moins une fois par mois, des vieux papiers et cartons. Le sac réglementaire est payant.

Il y a le ramassage à domicile, au moins une fois par mois, des sacs contenant les bouteilles en plastique, les boites de conserves et les cartons de boissons (type tétrabrick ou tétrapack). Le sac réglementaire est payant.

Il existe, un peu partout, des bulles à verre destinées à recevoir les bouteilles et bocaux non consignés.

Il y a les bulles à vêtements usagés mais recyclables.

Trois déchetteries existent sur le territoire de la ville (les Mouettes, les Bastions et Kain). Appelées populairement "parcs à containers", elles permettent aux habitants d'aller déposer, gratuitement, les tontes de pelouse, les encombrants, le petit "électro" usagé, les papiers, cartons, déchets de démolition, verres, huiles usagées...

Il y a des ouvriers chargés du ramassage dans les rues de la commune des déchets, le plus souvent volontairement laissés par des personnes à l'esprit civique peu développé pour qui se déplacer vers une poubelle publique représente un effort qu'elles en sont pas prêtes de réaliser (mégots, paquet de cigarettes, cannettes, papiers gras...). Il y a aussi, malheureusement des citoyens qui confondent poubelles publiques avec camions chargés du ramassage hebdomadaire et qui entassent des détritus au pied de celles-ci en se disant qu'on viendra bien les ramasser.  

L'intercommunale de propreté publique incite; par des formations données aux citoyens, à la réalisation de son propre compost à partir des déchets végétaux ou organiques.

L'obligation d'entretenir le trottoir face au domicile incombe toujours au propriétaire ou au locataire. De très nombreuses personnes l'ignorent ou feignent l'ignorer. Si chacun balayait en face de chez soi, si chacun enlevait les mauvaises herbes, les rues prendraient un aspect beaucoup plus propre et plus accueillant. L'obligation est également valable en cas de neige et verglas, les habitants ignorent ou feignent aussi ignorer qu'ils peuvent être rendus civilement responsables de la chute d'un piéton. Combien de trottoirs sont encore entretenus, été comme hiver ?

Eduquer les citoyens à la propreté est un travail de longue haleine, un responsable communal s'y est attelé récemment et récolte autant de critiques que de marques de reconnaissance car certains considèrent que polluer son environnement est un droit fondamental, synonyme de liberté mais la liberté des uns s'arrêtent toujours là où commence celle des autres et nous sommes en droit d'exiger la salubrité publique.  

Terminons néanmoins sur une note optimiste pour justifier l'appellation du blog :

En cinq siècle, il y a quand même eu d'importants progrès. Dans les rues ne déambulent plus les porcs, les truies, la volaille. Les ruisseaux ne charrient plus immondices, déchets, détritus. Les eaux pluviales se perdent depuis longtemps déjà dans les égouts souterrains et, avec les rejets des habitations, sont désormais épurées avant d'être rejetées dans le fleuve. Tout cela est bien mais un peu plus de civisme de la part d'une frange de la population permettait de vivre dans une ville à l'aspect impeccable qui ferait encore plus la réputation de Tournai, site touristique par excellence.

(sources : "Tournai, Ancien et Moderne" de Bozière, ouvrage paru en 1864- documents d'archives relatives au Tournaisis édités par les Archives de l'Etat parus en 1982 et recherches personnelles).

S.T. mai 2016.


Tournai : expressions tournaisiennes (361)

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Mimile va aller à l'tique.

Pos bin leon de m'maseon habitent Ortaline et Philémeon. Ch'est des gins d'beonne compositieon qui n'ont eu qu'ein seul garcheon. Mimile, ch'est s'neom, ch'est d'puis toudis leu p'tit dieu, de s'mopère et s'mamère, i-orchoit tout c'qui veut. I-a invie d'eine mobylette, i-n'a pos b'soin d'faire l'tiête, i-li suffit simplemint d'deminder et l'lind'min on li a d'jà acatée. Ch'est d'puis toudis ein infant gâté, ses parints i-n'ont jamais rien osu li orfuser.

Mais d'puis deux ou treos meos, Ortaline et Philémeon i-seont fin réhusses, i-feaut dire qu'ave leu garcheon i-ont bin des russes et i-d'ont plein les busses. L'directeur de l'école leu a invéyé eine lette anneonchant que leu Mimile feseot bin souvint queuette.

Philémeon i-a décidé aujourd'hui d'li parler et de l'mette pa d'vant ses responsabilités.

"A t'n'âche, te devreos comprinte que t'mamère et mi pou payer tes études on s'prive d'puis toudis. Ch'est tout c'que t'as trouvé pou nous ormercier, n'pus aller à l'école et, pindant tout l'jour, lusoter".

Mimile i-a ravisé s'mopère et i-n'a rien dit, on areot même presque dit qu'i-aveot souri.

Quançqu'Ortaline elle a été vir ein psychologue de leu connissance, i-li a répeondu :

"Ch'est pos grafe, allez, ch'est l'crisse de l'adolescence".

"Mi aussi, à seize ans, j'ai fait m'crisse" qu'i-a dit Philémeon, "J'porteos des cauchettes fluo et mes ch'feuxéteot'ent leongs. Ch'est bin souvint in cachette que j'fumeos mes cigarettes. Su l'quémin d'l'école, j'queureospétête après les files mais j'n'ai jamais fait des airs comme no Mimile. A dix-huit ans, j'ai été diplômé et huit jours après j'commincheosà ouvrer, j'ai grimpé tous les écheleons au Qu'min d'fier et aujord'hui, in ravisant m'carrière, te peux ête seûr que j'sus fier".

In intindant tout cha, Ortaline elle a pinsé : "

"Ch'est vrai, ch'est à l'gare de Tournai qu'ein jour au matin j'l'ai rincontré".

Verdi au soir, i-ont attindu Mimile jusqu'à nulle heure, l'albran i-est acore orvenu aux p'tites heures.

"Asteur, comarate, te t'assis su l'cayère et te vas acouter m'bréviaire, te vas nous dire quoisque dins t'tiête'i-est in train de s'passer pasque t'mamère et mi, on n'est tout défoutu, cha n'peux pus continuer".

Mimile qui éteot acore à mitanquervé, i-s'a mis à débabeiner s'cap'let :

"A dix-siept ans, acore aller à l'école, bé, cha n'sert à rien, j'irai quand même au chômache l'ainnée qui vient. Dins les interprisses de l'régieon, on n'ingache pus d'Tournisiens, l'ouverrier coûte trop tchier pa rapport aux Roumains. L'prof i-a esplique pourquoi l'Europe elle a été créée, ch'est uniquement pou deonner des plaches supplémintaires aux députés. I-a même rajouté que ch'éteot tous des planqués et bramint n'compreneot'ent même pos l'sens du meot ouvrer. Comme on dit à Tournai, ch'est des grands diseusmais des p'tits faiseus ou bin acore leu lanque elle s'ra usée que leu bras s'reont acore tout nués.  i-passe'tent six meos pou trouver ein réglemint su l'largeur des planques d'toilette et i-tire'tent de l'leonque pou déterminer l'poids moyen d'eine savonnette. L'communauté européenne elle existe d'puis d'z'ainnées, i-babièle'tent toudis mais i-n'save'tent rien harmoniser mais, pindant tout l'temps qui babièle'tent, i-rimplisse'tent bin largemint leu portefuèle. Papa, orwette autour de ti, qu'minche pa ouvère tes is, ch'est pos mieux dins no p'tite Belgique, on n'peut pus faire confiance à nos heommes politiques. On laiche, in héaut lieu, l'situatieon s'démanoquer in Wallonie pou exiger béteôt l'partitieon définitive d'no pays. Dusque i-a bramint d'lines de trains, n'cache pos... ch'est chez les Flaminds, chez qui on laiche les pus vielles priseons, bé, i-n'feaut pos aller bin leon, ch'est chez les Walleons. Pou les Flaminds on a supprimé d'puis lommint l'tasque pou l'télévisieon, mais no gouvernemint walleon, li, i-continue à nous presser comme des chitreons. I-a pétête la-d'dins des universitaires mais ch'n'est vraimint pos d'brillants gestionnaires. A l'unif, i-z'éteot'ent seûrmint prumiers in querverie et bin moins fort in carcul et inécolomie".

Philémeon, tout paf, i-a orwettié s'garcheon et i-a essayé d'intamer l'conversatieon :

"Quançqu'en mille nuef chint soixante-nuef, j'ai comminché à ouvrer, j'feseos quarante-deux heures pa sémaine et j'n'aveos fauque vingt jours d'congés payés, et pou les vacances, t'mamère et mi on parteot, in juillet, à La Panne ou bin in France. On a fait des écolomies pindant des meos, pou acater, d'occasieon, no prumière auteo. Pou l'gare, j'parteos à véleo à siept heures au matin, qui pluèfe, qui neiche ou bin qu'chuffièle l'vint. Vingt ans après l'guerre, on éteot bénaisse d'avoir d'l'ouvrache, on aveot vraimint pos invie de s'ortrouver au chômache. A l'fin du meos, on n'gagneot pos l'Pérou mais on éteot fin hureux d'avoir nos sous. Du momint qu'on d'aveot assez pou payer l'cauffache, l'nourriture et l'loyer, on n'areot pos déquindu dins les rues pou berteonner et berler. Asteur, les gins i-n'ont pus l'attirance de l'ouvrache, i-d'a beauqueop qui préfère'tent rester su l'chômache. I-d'a ein qui m'a dit ein jour :

"Toi qui es si malin, dis-me pourquoi j'ireos ouvrer, j'sus payé d'puis lommint pou rester à m'maseon et  m'orposer".

Mimile i-n'acouteot pos Philémeon, i-raviseot pa l'ferniête du saleon. S'ortournant tout d'eine traque, ces meots de s'bouque ont sorti parelsà eine claque :

"Quançque t'aveos m'n'âche, i-aveot à peine chinq milliards d'individus su l'tierre, asteur, on dit su internet qu'on est siept millards et bramint d'poussières. Pinse que dins vingt-chinq ans, i-ara près d'dix milliards d'humains et d'jà asteur on n'sait pus deonner à minger à tous les gins. D'puis d'z'ainnées, i-a bramint d'jeones au chômache mais les vieux jusqu'à soixante-siept ans on va les obliger à rester à l'ouvrache. On voudreot que che soiche les jeones qui cotise'tent pou l'pinsieon des pus âgés, bé, pou cha, i-feaudreot réel'mint commincher pa nous ingager. On vit dins ein véritape meonte d'seots, pou qualifier les gins qui feont les lois on n'trouèfe pus d'meots".

Philémeon i-aveot l'gueule morte comme on dit et i-a orwettié s'garcheon ave ein air tout ébeubi.

"Te dis que te n'vas pos trouver d'ouvrache, mais mi j'viens de t'trouver eine belle plache. Aux prochaines électieons, te vas t'mette comme candidat et j'sus seûr que te s'ras élu ave l'babelle que t'as. Pus te vas raqueonter des cacoules, pus te vas rameuter les foules. Pindant l'campane, te dis à tertous que t'es conte l'nucléaire et eine feos élu te dis que pou l'élestrique ch'est nécessaire. Te dis à tertous que les tasques elles doive'tent diminuer mais, eine feos élu, te les aurminte pou équilibrer l'budget".

"Ahais, ête élu, mi, tout cha j'veux bin mais si j'n'ai pos d'diplôme cha n'sert à rien !".

"Bé, pou t'diplôme, i-n'a pos d'tracas pou mintir aux gins on n'a pos b'soin d'cha".

NDLR : Toute orsannance ave eine situatieon qu'on vivreot s'reot dramatique, car des affaires ainsin cha n'existe seûrmint pos, ch'est des propeos sortis de l'tiête d'ein seot.

(lexique : aller à l'tique : expression ancienne qui signifiait aller pointer au chômage, pointage quotidien qui a été supprimé afin de "rationnaliser" les effectifs de l'Onem / pos bin leon : pas bien loin / l'garcheon : le garçon / toudis : toujours / s'mopère : son père / s'mamère : sa mère / orchevoir : recevoir / l'invie : l'envie / acater : acheter / osu : osé / les meos : les mois / ête fin réhusse : être fatigué, être las / avoir des russes : avoir des difficultés, avoir de la peine / in avoir plein les busses : être surchargé de besogne, en avoir assez / inveyer : envoyer / anneoncher : annoncer / faire queuette ou queuète : faire l'école buissonnière / pa d'vant : devant / à t'n'âche : à ton âge / ormercier : remercier / lusoter : flâner / raviser ou orwettier : regarder / vir : voir / des cauchettes : des chaussettes / de ch'feux : des cheveux / l'quémin ou le qu'min : le chemin / queurir : courir / pétête : peut-être / les files : les filles / commincher à ouvrer : commencer à travailler / au Qu'min d'fier : au Chemin de fer, à la SNCB / ête seûr : être sûr / verdi : vendredi / l'albran : le garnement / acore : encore / asteur : maintenant / comarate : camarade / l'cayère : la chaise / écouter : écouter / ête défoutu : être déçu, être démoralisé / à mitan quervé : à moitié ivre / débabeiner s'cap'let : littéralement débobiner son chapelet ou dire tout ce qu'on a sur le cœur / les interprisses : les entreprises / tchier ou tcher : cher / des plaches : des places / bramint : beaucoup / grands diseus, p'tits faiseus : des gens qui se vantent mais ne font pratiquement rien / leu lanque elle s'ra usée que leu bras s'reont acore tout nués :  leur langue sera usée que leurs bras seront toujours neufs ou ils parlent beaucoup mais ne font rien / les planques : les planches / tirer de l'leonque : aller lentement, freiner des quatre fers / babiéler : bavarder / l'portefuèle : le portefeuille / ouvère tes is : ouvre les yeux / laicher : laisser / s'démanoquer : se détruire / béteôt : bientôt / l'tasque : la taxe / les chitreons : les citrons / l'querverie : la soûlographie, l'action de boire outre mesure / l'carcul : le calcul / l'écolomie : l'économie / être tout paf : être profondément surpris, stupéfait / quançque : lorsque / fauque : seulement, uniquement / qui pluèfe, qui neiche ou bin que chuffièle l'vint  : qui pleuve, qu'il neige ou bien que souffle le vent / bénaisse : content / hureux : heureux / l'cauffache : le chauffache / déquinte : descendre / berteonner : gronder, bougonner / berler : hurler / s'orposer ou s'erposer : se reposer / l'ferniête : la fenêtre / s'ortourner tout d'eine traque : se retourner d'un seul coup / l'bouque : la bouche / parels : pareils / chinq : cinq / l'tierre : la terre / des jeones : des jeunes / ein meonte d' seots : un monde de sots, un monde de fous / on truèfe : on trouve / ébeubi : frappé de stupeur / raqueonter des cacoules : raconter des mensonges, des histoire à dormir debout / rameuter : ameuter, attirer à soi / ête conte : être contre / l'élestrique : l'électricité / tertous : tous / aurminter : augmenter / ahais : oui / orsannance : ressemblance).

S.T. mai 2016.

Tournai : travaux en cours et programmés

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Depuis la dernière rubrique consacrée à ce sujet et parue le 11 mars, des chantiers ont été clôturés, d'autres sont en cours et certains pointent déjà à l'horizon.

Chemin et avenue des Peupliers.

La section comprise entre la chaussée de Lille et l'avenue des Peupliers, appelée également chemin Vert, a fait l'objet d'un aménagement pour faciliter la circulation des promeneurs et des cyclistes. Deux bandes perpendiculaires de béton ont été coulées, elles seront séparées par un espace herbeux. Le chantier est toujours inaccessible pour permettre le séchage du revêtement.

La pose du revêtement hydrocarboné de l'avenue des Peupliers a nécessité une interdiction de circuler d'environ quatre semaines. Il a fallu raboter la couche supérieure profondément dégradée, poser une couche de fond et ensuite procéder à la réalisation du revêtement définitif. Depuis le 13 mai, la voirie a été rendue à la circulation. Comme toute amélioration du confort des usagers porte souvent en elle des conséquences parfois néfastes, certains automobilistes n'ont plus le pied aussi léger qu'auparavant sur cette longue ligne droite et oublient qu'il traverse une zone résidentielle urbaine où la vitesse est limitée à 50km/h.

La rue de Barges.

Dernière voirie nécessitant une rénovation totale dans le cadre de l'installation du CHWapi, la rue de Barges vient de recevoir la pose du revêtement hydrocarboné définitif. Après séchage, dans quelques jours, elles sera ouverte à la circulation. La nouvelle installation résultant du regroupement des services se trouvant à la clinique la Dorcas (définitivement fermée) et en provenance de la clinique Notre-Dame a provoqué un afflux (attendu?) de véhicules dans ce quartier d'ordinaire si tranquille. Les riverains ont l'impression de revivre une situation comparable à celle connue lors des matches de gala disputés au stade Horlait, excepté qu'à l'époque, cela se passait quelques dimanches par an, seulement.

Pour résoudre le problème d'engorgement et de stationnement, des mesures ont été et seront encore prises prochainement. Un parking de 120 places à l'intention du personnel est désormais opérationnel au bas de la rue Général Piron. Un parking souterrain d'une centaine de places à usage des visiteurs devrait être normalement accessible sous l'établissement par la rue des Sports (il y a quelques jours, en raison de travaux de finitions, il était encore interdit d'accès). Un parking de quelques dizaines de places réservé aux médecins devrait être réalisé à la rue Cottrel à l'emplacement des anciens locaux de l'ITMA mais ce projet n'est encore qu'au stade de la gestation !

Le stationnement, actuellement un peu "anarchique" aux abords de l'hôpital, devrait être, en partie, résolu par la mise en zone bleue des rues suivantes : chaussée de Willemeau (de l'avenue Montgomery à la rue Général Piron), les rues Cottrel, André Hennebicq, des Sports, Allard Olivier, Jean de Mesgrigny, de la Citadelle (entre la rue des Sports et la rue Vauban), la rue Vauban (entre le boulevard du Roi Albert et la rue de la Citadelle), l'avenue Montgomery (côté opposé à la plaine des Manœuvres), la totalité du boulevard Lalaing ainsi que les rues situées à l'intérieur du site de Bongnie. Voilà de quoi donner du travail à un agent supplémentaire par la firme chargée de contrôler le stationnement et de dresser le constat pour les réfractaires.

La place de Lille.

Depuis le 10 mai, des paveurs s'activent à rénover, une fois encore, le revêtement pavé de la seule section normalement accessible aux automobilistes, celle comprise entre la boulangerie Devos et la rue des Carmes. La plupart des obstacles (boules, barres alu, potelets) placés à l'origine afin d'interdire l'accès à l'esplanade créée autour de la Colonne française ayant, peu à peu, disparu, il n'est pas rare de voir des automobilistes faire un tout droit entre le rue des Carmes et le carrefour de la Porte de Lille, descendant la bordure pour s'intégrer dans la circulation. D'autres conducteurs feignent ne pas remarquer la signalisation placée en haut de la rue des Carmes les invitant à virer vers la rue Blandinoise et rejoignent directement la rue Dorée dans le sens interdit à la circulation. Faut-il laisser ces contraintes, si on accepte que certaines personnes ne les respectent pas en toute impunité ?

Les quais Notre-Dame, le quai Dumon et la rue du Becquerelle.

L'important chantier de rénovation de ce quartier a débuté voici déjà plusieurs semaines. La phase de pavage de la nouvelle configuration du quai Notre-Dame est en cours. Le quai Dumon était jusqu'à ce jour réduit à un étroit passage en double sens permettant de venir de la place du Becquerelle ou de l'emprunter. Dans les prochains jours, le quai sera mis en impasse, les automobilistes devront désormais emprunter la rue Joseph Hoyois et la rue de l'Epinette, mise en double sens pendant la durée des travaux, pour rejoindre la rue des Jardins et la rue Royale. La pose des impétrants a été réalisée dans la rue du Becquerelle, elle aussi inaccessible et la pose de son revêtement débute. Interdictions de circuler et déviations sont programmées jusqu'à la fin de l'année.

L'avenue de Maire.

Depuis des mois, les automobilistes qui empruntaient quotidiennement l'avenue de Maire pestaient contre les importants nids de poule qui parsemaient cette voie de pénétration urbaine. Depuis ce lundi 30 mai, des travaux de rénovation ont été entamés. On procède actuellement au rabotage des bandes de circulation. La circulation est réduite à une seule bande dans les deux sens. Aux heures de pointe, de longues files se forment depuis le rond-point de l'Europe vers Froyennes et depuis le zoning commercial de Froyennes jusqu'au même rond-point. La vitesse est limitée à 30km/h sur toute l'avenue. Ce chantier est prévu jusqu'à la fin du mois de juin en raison du délai de séchage du nouveau revêtement hydrocarboné.

La rue Roc Saint-Nicaise.

Du 13 au 17 juin, un chantier sera réalisé dans la rue Roc Saint-Nicaise et nécessitera sa fermeture à la circulation.

Boulevard du roi Albert.

En raison d'un ancien effondrement de voirie sur la partie centrale (ancienne voie cyclable) des travaux ont été entrepris afin d'en rechercher l'origine (souterrain ? Egout non répertorié ? effondrement karstique ?). Ce chantier réduit la circulation à une seule bande dans les deux sens et la vitesse est limitée à 30km/h.

Rue Hautem.

Des travaux de voirie et de confection de nouveaux trottoirs y seront prochainement réalisés et dureront jusqu'aux congés dans le secteur de la construction (15 juillet).

Rue Saint-Eleuthère et chaussée de Roubaix.

Le chantier de pose d'impétrant (électricité) entamé à la fin de l'année 2015 et se prolongeant jusqu'à l'entrée de Blandain n'est toujours pas terminé.

Chantiers à prévoir.

Ceux qui, comme moi, empruntent quotidiennement les axes de circulation permettant un accès aux boulevards périphériques de Tournai auront remarqué la très sensible augmentation du trafic des camions de + de 3,5 tonnes, notamment sur la chaussée de Lille. Malgré l'interdiction placée à hauteur du zoning d'Orcq, de nombreux chauffeurs tant étrangers que belges empruntent ces itinéraires très probablement afin d'éviter l'autoroute et sa taxation au kilomètre. Ces voiries qui ont été récemment rénovées vont bientôt, à nouveau, se dégrader et c'est, une nouvelle fois, dans la poche du contribuable qu'on viendra chercher l'argent nécessaire aux réparations.  

S.T mai 2016.

Tournai : expressions tournaisiennes (362)

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Bébert, l'roi de l'catoire !

L'infant i-éteot né inter les deux guerres et ses parints l'aveot'ent appelé Albert. Albert, l'neom d'ein roi-chevalier qu'i-éteot aimé pa beauqueop d'ses sujets. Ch'est ein neom dont i-areot dû ête fier mais li i-préféréot bin mieux qu'on li dise Bébert.

Unique garcheon arrivé su ein tard, no brafe Bébert, ch'éteot, comme on dit, les deux is de s'mamère. J'vas ichi vous raqueonter s'n'histoire, vous allez vite comprinte que ch'éteot l'roi de l'catoire.

Comme i-n'éteot pos l'dernier à faire des blaquesà l'école, no p'tit rucheon, i-a ramassé bramint d'coles.

"A été vu, à l'récré, in train d'infermer ein d'ses amisses dins les cabinets" ou "A rué de l'levure dins ein cabinet qui a moussé pindant toute eine journée" ou bin "A saqué les tresses de l'pétite Alice in disant qui sonneot les cloques comme à l'églisse" ou bin acore "A fait évacuer la classe au mitan d'ein cours, ein berlant qu'i-aveot plein de l'feumée dins la cour".

Elise, l'paufe mamère raqueonteot que, des meots ainsin, du directeur de l'école, elle in orcheveot bin souvint.

A l'âche de quinze ans, i-s'a mis à utiliser l'télépheone de s'parints et à printe des luméreos, au hasard, dins l'botin.

"Mossieu l'pharmacien, vous avez des tutes pou m'mofrère, i-a aujord'hui siept ans et j'voudreos li in offère"

In intindant l'âche d'l'infant, l'pharmacien, bé ch'est normal, i-hésiteot alors Bébert, in riant plein s'panche li diseot : 

"L'tute, vous pouvez l'mette in bas d'vo deos !".

Ein heure après, in d'ses amisses app'leot l'pharmacien et, ceulle feos'chi, s'feseot passer pou ein agint.

"On a orchu des plaintes d'bramint d'parints, des albrans télépheone'tent aux pharmaciens, vous n'avez pos eu ein dreôle de queop d'fil pindant l'journée, i-paraît d'après vos collègues que cha n'a pos arrêté".

"Sifait, i-a ein arsoule qui m'a app'lé pou ein tute et m'a dit que, dins l'bas du deos, j'deveos me l'infoncher".

"Ah beon, i-vous a dit cha, j'vas toudis noter... mais in attindant vous pouvez asteur... l'ortirer !".

Ein bieau jour, eine lette est arrivée pou Bébert, l'inveloppe grisse conteneot ses papiers militaires. On peut dire que l'service, pou li, i-a comminché fin bin pasqu'à l'gare de Tournai i-n'a pos fait mieux que d'rater s'train. Quançqu'i-est infin arrivé au P'tit Catieau, dins l'rang i-éteot l'seul qui sourieot.

L'adjudant i-a berlé : "Ah... mais on a ichi eine forte tiête, comme j'veos".

Bébert i-a répeondu : "Ahais, ch'est alfeos bin difficile pou trouver ein capieau".

L'chef li f'sant ormarqué qui peseot au moinse chint kileos, i-a répeondu que li n'se trouveot pos treop greos.

"Comme a toudis dit m'mamère, i-veaut mieux faire invie qu'pitié, i-veaut mieux eine bière dins l'corps que l'corps dins eine bière !" qui a rajouté.

"Soldat, croyez-me, j'voudreos bin vir si vous f'rez acore l'fier l'fier quançque vous aurez été eine sémaine d'corvée penn'tieres".

L'service terminé, à peine orvenu à l'vie civile, i-a trouvé eine plache dins eine usine de l'ville.

Comme i-s'copeot ein quate pou faire s'n'ouvrache, à l'at'lier, on l'app'leot "l'Treos Suisses de l'usinache".

Pindant les quarantes ainnées qu'i-a, là-vas, ouvré, on n'queompte pus les blaques qu'i-a fait.

I-commincheot l'ouvrache tous les matins à six heures et termineot bin souvint aux invireons d'deux heures. L'patreon i-saveot qu'i-n'éteot pos orwettiantà eine heure et, pou li, ch'éteot même précieux ein ouverrier d'eine telle valeur. Sans ceulle qualité, i-areot été d'puis lommint rué à l'cour pasqu'à tertous, pindant s'carrière, i-d'a jeué bin des tours.

J'vas vous les raqueonter :

Ein chef de service veneot tous les jours ave ein bieau capieau, ave s'main, i-aveot l'habitude de l'lisser avant de l'mette au porte-manteau. Comme ein meonte-charge i-éteot jusseà côté, Bébert i-n'a pos trouvé mieux que d'l'y ruer. I-a fallu vir comme l'chef i-s'a mis in rache quançqu'i-a vu s'capieau partir ainsin au dernier étache. Tout in ameur, quate à quate, sans raviser persoenne, i-a meonté les escaliers et l'capieau i-a ordéquindu quançque, tout in héaut , innache, i-est arrivé.

"T'as de l'sanche, Bébert, que te n'es pos ein arlotieau pasque j'areos été raqueonter au patreon l'histoire de m'capieau".

Arrivant toudisà l'at'lier parmi les prumiers, ses mauvais queops i-aveot l'temps d'les préparer.

Ein bieau matin, i-est arrivé ave dins s'malette, ein fromache puant, du ginre Camembert, et i-l'a bin frotté dins tous les coins du tiroir du buréeau d'eine pétite secrétaire. Pindant toute l'journée, l'paufe file, on peut dire qu'elle a fait d'riches inhalatieons, à chaque ouverture de s'tiroir elle minqueot d'caire d'inanitieon. Ave cha, ses collègues l'raviseot d'travers et s'metteot'ent à berteonner :

"J'pinse que pou l'hygiène, no badoulette, elle se laiche aller".

Bin seûr, l'lind'min à l'prumière heure, Bébert i-aveot tout nettié, i-aveot mis du "sint beon", ave eine boutelle d'odeur i-aveot tout aspergé.

Ceulle feos ichi, les collègues ont pinsé :

"Elle areot mieux fait de bin s'laver que d'cacher l'naque ave ein produit beon marché".

I-n'a pos qu'à l'usine qui f'seot des airs ainsin, in porménant dins les rues, i-jeueot aussi les annochints.

Si Bébert ouvreot pindant l'matinée, Julien l'rimplacheot pindant l'après-deîner. Comme i-finisseot à l'fin de l'soirée, i-aimeot bin faire l'grasse matinée. Tous les matins, Bébert passeot pa d'vant chez li in véleo et, dins tout l'ruache, on intindeot qui berleot :

"Julien, à l'horloche, i-n'est pos 'cor six heures, dors fin tranquile, on n'veot pos ein bleu tchien dins les rues de l'ville".

Pindant des meos, l'paufe Julien i-a eu tous ses visins su l'deos pasque in berlant si teôt ch'est tout l'quartier qui déringeot.

Ortraitéà soixante ans, ch'est l'prumière feos qu'on a vu Bébert malhureux, on areot dit que tout à n'ein queop i-éteot dev'nu vieux. I-a bin vite orfusé d'sortir de s'maseon, i-n'alleot même pus faire les commissieons. Au début, Julien li téléphoneot mais Bébert n'répondeot pos.

Quançqu'i-a serré ses is, in'peseot pus que chinquante kileos et au chim'tière i-aveot pus d'eine de ses "victimes" qui brayeot.

(lexique : l'roi de l'catoire : garçon sympathique prêt à tout pour répandre la bonne humeur / inter : entre / beauqueop : beaucoup / l'neom : le nom / l'brafe : le brave / les is de s'mamère : les yeux de sa mère / ichi : ici / comprinte : comprendre / des blaques : des blagues / ein rucheon : un enfant remuant, un enfant qui ne tient pas en place / bramint : beaucoup / ruer : jeter / saquer : tirer / les cloques : les cloches / au mitan : au milieu / berler : hurler / l'feumée : la fumée / l'paufe : le pauvre / ainsin : ainsi / orchevoir : recevoir / l'âche : l'âge / les luméreos : les numéros / l'tute : la tétine / m'mofrère : mon frère / offère : offrir / rire plein s'panche : faire bonne chère à rire, on peut aussi imaginer se secouer à la façon de Philippe Bouvard / l'deos : le dos / les amisses : les amis / ceulle feos 'chi : cette fois-ci / orchu : reçu / des albrans : des garnements / ein queop d'fil : un coup de fil / sifait indique un oui accentué ou l'expression française si si / ein arsoule : un polisson, un galopin / infoncher : enfoncer / asteur : maintenant / ortirer : retirer / eine lette : une lettre / commincher : commencer / quançque : lorsque / ahais : oui / alfeos : parfois / ein capieau : un chapeau / au moinse chint kileos : au moins cent kilos / toudis : toujours / des penn'tières : des pommes de terre / eine plache : une place / s'coper : se couper / l'at'lier : l'atelier / là-vas : là-bas / ouvrer : travailler / queompter : compter / orwettiant : regardant / ein ouverrier : un ouvrier / lommint : longtemps / jeuer : jouer / jusse : juste / vir : voir / s'mette in rache : se mettre en rage, en colère / l'étache : l'étage / tout in ameur : tout en émoi / ordéquindu : redescendu / ête in nache : être en nage / l'sanche : la chance / ein arlotieau : un mauvais ouvrier / toudis : toujours / les queops : les coups / ein fromache puant : un fromage odoriférant, un fromage qui a du nez / l'file : la fille / caire : tomber / raviser : regarder / berteonner : grommeler / l'badoulette : une fille grassouillette / laicher : laisser / bin seûr : bien sûr / nettier : nettoyer / du "sint beon" : du parfum / l'naque : l'odeur / porméner : promener / les annochints : les innocents / l'après-deîner : l'après-midi / pa d'vant : devant / l'ruache : le quartier / il n'y a a pos ein bleu tchein :  il n'y a pas un bleu chien ce qui signifie : il n'y a personne / les meos : les mois / les visins : les voisins / ortraité : retraité / tout à n'ein queop : tout à coup / l'chim'tière : le cimetière / braire : pleurer).

S.T. juin 2016.     

 

Tournai : la lente évolution de la rue de Courtrai.

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Position géographique.

Sur la rive gauche de l'Escaut, dans le quartier Notre-Dame, la rue de Courtrai, tout comme la rue du Curé Notre-Dame, dont nous avons déjà parlé, située dans son prolongement, fait partie de l'axe qui traversait, jadis, en ligne directe, la ville de Tournai entre le rond-point de l'Europe (N-O) et le carrefour des Résistants (S-E). Depuis la création du piétonnier de la Croix du Centre dans les années 80 et la mise en sens unique de la place Paul Emile Janson récemment, cette liaison ne peut plus être complètement empruntée par les véhicules. Avec la rue du Curé Notre-Dame, la rue de Courtrai relie la place Paul-Emile Janson au carrefour des Quatre-Coins Saint-Jacques.

La rue dans l'Histoire.

La rue semble avoir toujours porté le nom qu'on lui connaît actuellement puisque dans les actes officiels du XIVe siècle on peut lire :

"Rente assise sur une maison au touquet de la rue de Courtray au rencq de la porte Verriers"(menues rentes 1384). La porte Verriers disparut vers 1550.

C'est ainsi qu'elle prit parfois le nom de rue des Verriers.

"Rue de Courtray, dite des Verriers"(comptes de l'hôpital Saint-Lehire de 1530).

Il semble exister une confusion sur l'origine du nom "Verriers", tout comme elle existe dans le conte de notre enfance "Cendrillon". Certains y voient l'existence d'une fabrique de verre en cet endroit, d'autres trouve l'origine de son appellation par la présence d'artisans, les vairiers, qui confectionnaient une fourrure blanche et grise. La preuve peut en être apportée par la description d'un immeuble au XVIIe siècle, à moins qu'il ne s'agisse dans l'un ou l'autre cas d'une simple faute de transcription. 

"Maison rue de Courtrai, dite des Vairiers, où pend pour enseigne la Couronne" (lettres originales de 1602).

L'historien Hoverlant avance qu'elle prit le nom de rue de l'Etoile, en raison de la présence d'un magasin d'étoffes d'Indes auquel une étoile servait d'enseigne. Dans les recherches entreprises par Bozière, aucune trace écrite n'est venue corroborer cette appellation.

Un document photographique datant du début du XIXe siècle, paru dans l'ouvrage "La carte postale raconte Tournai" nous montre une rue de Courtrai pavée un peu plus étroite que l'actuelle.

Durant la première partie du XXe siècle, on trouvait dans cette rue les enseignes suivantes :

En 1912, le "Grand Café Julien" aux 2-4 et 6, plus tard, après le premier conflit mondial, celui-ci sera remplacé par le magasin à l'enseigne : "Au Vieux Chêne" tenu par Victor Pollet, il s'agissait de deux magasins juxtaposés, le commerce d'ameublement et la boutique du tapissier Pollet.

A la même époque, au n° 25, se trouvait un commerce bien connu des Tournaisiens, la corderie tenue par Mr. Adolphe Wattiez, un des membres fondateurs de la Royale Compagnie du Cabaret Wallon Tournaisien, qui publiait ses œuvres sous le nom de "Cordier des étoupières". On y trouvait de la ficelle écrue et teinte pour emballage, de la ficelle fine en paquets, du câble flexible en acier pour poulies, des câbles de transmission en chanvre et en aloès et des cordages pour bateliers.

En 1935, au n°31, on découvrait la Fabrique Française, spécialité de lingeries, soieries, de drapés et velours.  

Lors des bombardements de la seconde guerre mondiale, tous les immeubles qui bordaient cette rue commerçante ont été détruits.

Après la seconde guerre mondiale, à la fin des années quarante, on découvrit momentanément le salon de coiffure provisoire de Mr. Soris. D'une conception simple, il était composé d'une porte d'entrée centrale entourée de deux fenêtres. La façade n'excédait pas quatre mètres et la hauteur du bâtiment était légèrement inférieure à trois mètres.

Voici deux ans, dans le cadre du projet de rénovation du quartier cathédral, la rue de Courtrai a été totalement refaite, un revêtement en dalles a succédé à la traditionnelle rue en pavés bordée d'un trottoir de chaque côté. Les emplacements de stationnement y ont été réduits mais, chaque jour, on constate que des automobilistes indélicats snobent le marquage au sol les délimitant pour stationner de façon un peu "sauvage" obligeant les piétons à marcher au centre de la voirie.

Une rue composée de commerces.

Pratiquement tous les rez-de-chaussée des immeubles bâtis dans cette rue sont dévolus au commerce, les étages sont habités soit par les propriétaires des magasins, soit par des locataires.

Depuis les années cinquante, rares sont les magasins qui ont traversé les diverses décennies, le magasin "Elec-Confort", au n°39, tenu par la famille Charlier, s'y trouve depuis sa construction au début des années soixante, la quincaillerie "le Moulin Rouge" existe toujours au n°19 tandis que le magasin Studio Sound a toujours pignon sur rue au n°10.

Combien de commerces ont ouvert et fermé leur porte durant ses soixante dernières années, on se rappelera :

"Jean's Fizz" au n°7, "Gets Sports" au n°9, "Au Voile Suisse" au n°13,  "Création Crahait", au n°11, "Clinic-Radio" au n°15, "Au Coin de Paris-Maison Vitos" au n°17, le "Palais de l'Enfant", vêtements et articles pour nouveaux-né au n°25, le "fleuriste Raes" au n°27, "Lindor" au n°29, "Auteuil Couture" au n°12, la maison "TondelierFrères", spécialistes en équipement de bureaux au n°18, les "chaussures Nef" aux 20 et 22, la "Maison Lescal" au n°28 à laquelle succéda la "Chiffonnerie" au n°28, l'opticien "Jean Gosse" au n°30, "Electrolux" au n°32, "Printania", la fine lingerie, au n°44.

La "Maison Lhoir", au n°35, a cédé sa place au magasin de graines tenu par Jean Jacques Decock auquel a succédé un glacier, "le Palais des Glaces" et désormais "les Glaces d'Antan". Mr Roger Lhoir était le président des commerçants des "Trois Rues", une association née dans le courant des années soixante déjà en réaction à l'implantation des grandes surfaces qui commençaient à faire de l'ombre aux petits commerces. Pour les fondateurs, les Trois Rues (rue de Courtrai, rue du Curé Notre-Dame et rue de l'Hôpital Notre-Dame) étaient " le plus grand des grands magasins". Ils y organisaient des actions comme des concours de vitrines, des tombolas, des animations diverses. Les "Trois Rues" furent les premières rues dotées d'une sonorisation diffusant de la musique en journée.

Lorsque la maison bien connue des sportifs, "Tigris Sports", au n°50, tenue par Mr Moonens et son épouse a fermé ses portes, elle a accueilli la maison "Huylenbroeck" spécialisée dans la décoration de maisons et abrite maintenant la friterie "le Grain de Sel".

Des deux cafés qui existaient, "le Régent" est devenu "le Corner" tandis que le "Gambrinus", au n°21, a été transformé en un restaurant, "le Grain de Sable".

Au n°36 à 42, on trouvait jadis le concessionnaire de la marque automobile "NSU Prinz-Daf". A sa fermeture, le bâtiment garda sa fonction dans le même domaine puisqu'il fut transformé en "car-wash" et en station d'entretien et réparations de véhicules. Définitivement fermé, il attend depuis plus d'un an un éventuel repreneur.

On se rappellera encore, entre autres, le marchand de "pantoufles Libert", le nettoyage à sec "Lyris", le commerce de chaussures à l'enseigne des "Aubaines Coinne", le "Comptoir Avicole" au n°4, le magasin de sacs en cuir "Gheylens"à l'angle de la rue du Cygne. La liste des commerces disparus n'est pas exhaustive, elle remémorera bien des souvenirs aux lecteurs qui ont emprunté cette rue de Courtrai et peut-être me communiqueront-ils l'une ou l'autre information ou rectification par le biais des commentaires.

Aujourd'hui.

Actuellement, si on trouve encore de nombreuses boutiques de vêtements, un traiteur asiatique, un salon de coiffure, un magasin d'articles pour les arts graphiques, une boutique d'articles de décoration, un café, un fleuriste, un restaurant, une friterie, deux magasins d'articles audio-vidéos, une sandwicherie ou un bureau d'avocats, on dénombre, hélas, quelques vitrines vides qui attendent preneur.

(sources : "Tournai, Ancien et Moderne" de Bozière, ouvrage paru en 1864 - "Tournai sous les bombes" d'Yvon Gahide, ouvrage paru en 1984 - programmes publicitaires des années 1902 à 1964 - "La carte postale raconteTournai", ouvrage de Serge le Bailly de Tilleghem et Guy Demeulemeester paru en 1982. Je remercie particulièrement Mme Charlier, Daniel Glissoux et Bernard Libert qui m'ont aidé lors des recherches sur le terrain).

S.T. juin 2016.

Tournai : expressions tournaisiennes (363)

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Que d'ieau, que d'ieau !

"Eh bé... Biribi mes amis, mes amis Biribi", ces meots dit pa Fifinne m'ont rapp'lé l'temps quançque j'éteos p'tit. Ch'éteot eine espressieon d'eine amie de m'gramère qui d'meureot, à l'époque, du côté du forbou de Maire.

"Ch'est à l'grosse louque que l'ieau du ciel elle cayeot, pa l'ferniête on n'veyeot, même pus l'Esqueaut et in puque, i-aveot bramint d'éclairs et d'riches queops d'tonnerre. Ce que j'vas t'dire ichi, j'n'in n'ai pos heonte, j'ai cru ein momint que ch'éteot l'fin du meonte, alors, su l'tablette du cassis, comme m'mamère feseot, j'ai alleumé eine bougie".

"Vous n'avez pos quand même été ineondés ?".

"Neon... on a jusse eu d'l'ieau de l'cave au guernier !".

Comme j'saveos que leu maseon au bord d'l'Esqueaut, elle fait quand même à peu près dix mètes de héaut, j'ai pinsé :

"Où bin mes deux gins m'raqueontent ichi des cacoules ou alors i-ont appris à jeuer les heommes guernoules".

"Acoute-me bin, j'vas t'espliquer quoisque mardi i-s'a passé. Au début d'l'orache, l'vint i-a comminchéà s'lever et on a quate ou chinq tuiles qui se seont involées, on a à peine eu l'temps d'meonter les escaliers que toute l'ieau de l'toiture elle a dégringolé dins l'guernier et acore hureux qu'Edmeond, m'n'heomme, i-aveot mis pa tierre ein restant d'balatum pasque, cha n'areot pos fait ein pli, l'plafeond de l'campe i-s'reot cait su no lit. Edmeond i-a bin essayé d'ormette les tuiles mais comme i-est aussi épais qu'eine aiwile et que l'vint d'pus in pus fort i-souffleot, i-n'a jamais osu passer s'tiête pa l'treo. On a mis eine bassine in fier blanc qui a été complèt'mint rimplie in peu d'temps. Après Edmeond i-a été virà l'cave si tout i-éteot normal et in ouvrant l'porte on a eu ein fameux queop au moral. L'ieau monteot, monteot jusqu'au mitan de l'porte du frigeo. A l'intérieur, l'canard qu'on aveot acaté, bin qu'i-éteot mort et pleumé, i-s'a ormis, tout à n'ein queop, à nager.

"Raclette et séeaux, ch'est les armes des ceusses qui seont dins l'ieau".

Alors que l'déluche i-n'arrêteot pos d'caire du ciel, Edmeond, li, i-s'preneot pou les Chevaliers du Fiel.

"Edmeond, l'grand dépindeu d'andoule, i-aveot l'ieau jusqu'à... s'boudaine mais mi, même si j'n'sus pos eine naine, j'd'areos eu au moinse jusqu'à m'poitreine. Et ave cha je n'te dis pos l'naque, i-aveot dins no cave ein riche pinaque. Les beonnes boutelles d'Château Margaux flotteot'ent comme des p'tits batieaux, les anciennes déclaratieons des contributieons feseot'ent soupette et l'machine à lessiver elle aveot l'ieau jusqu'à l'leunette.

Chint-trinte, chint-chinquante, j'intindeos Edmeond qui, tout bas, queompteot.

J'li ai dit : quoisque te queomptes, espèce de biec-beos ?

I-m'a répeondu : bé, tout simplemint, l'nombre de séeaux ! Comme i-a invireon dix lites pas séeaux, on pourra ainsin estimer l'volume d'ieau. Te sais bin que j'n'ai pos fort confiance et que j'préfère mette ceulle précisieon dins m'déclaratieon d'assurances.

On a été obligé d'tout nettierà l'main pasque tout i-éteot rimpli d'acoulin. On a bin eu de l'détoule, on pidouleot dins l'bédoule.

Fifinne elle a dit : "on a perdu, in ein queop, toute not' proviseon d'penn'tières".

Edmeond i-a rajouté : "Mi pou l'Euro, j'vas ête obligé d'racater deux ou treos casiers d'bière".

Fifinne elle a mis s'grain d'sel : " Comme ch'est pou fiêter l'victoire des Diapes que te les aveot acatés, prinds in ein à l'feos, des feos qui s'reot'ent vite éliminés".

J'leu ai déclaré : dins vo malheur vous n'devez pos acore pos vous délaminter, i-a des paufes gins qui ont été bin pus mal arringés. Des connissances qui habitent l'villache d'Ere, i-n'ont pus que les deux is pou braire, toutes les affaires qui éteot'ent au-rez-de chaussée, ch'est foutu, tout a été total'mint noyé, les peompiers i-seont v'nus les querreà l'fin de l'journé et ch'est in barque qu'on a été obligé d'les évacuer. Quançqu'infin on a vu l'fin de c'déluche, i-ont été obligés mette tout l'meublierà l'huche.   

Quançque, alfeos, te parles d'récauff'mint climatique, les gins s'foutent d'ti, i-seont sceptiques pourtant l'pus p'tit des oraches i-est asteur catastrophique et les conséquences elles seont bin souvint dramatiques. Eine feos acore, i-n'feaut surtout pos oblier que des gins, mardi, i-seont morts noyés, i-z'éteot'ent partis porméner et à leu maseon i-n'seont jamais rintrés.  

Te peux faire des busses d'égouts d'ein mete d'diamète, si les gins rue'tent d'dins des graisses et des canettes, cha n'sara jamais tout absorber l'jour dusqu'i-cait eine parelle quantité. I-a pos ein seul responsape pou ces calamités, i-feaut admette qu'on est tertous concernés. Bâtir eine maseon d'eine eine zone inondape, ch'est pou l'moinse ête irresponsape.

Aujord'hui toutes mes pinsées veont à les ceusses qui ont été ineondés et j'voudreos que no ville mette, ein jour, su pied ein batailleon d'bénévoles pou pouvoir les aider.

(lexique : que d'ieau : que d'eau / les meots : les mots / quançque : lorsque / m'gramère : ma grand-mère / l'forbou : le faubourg / l'louque : la louche / caire : tomber / l'ferniête : la fenêtre / l'Esqueaut : l'Escaut, le fleuve qui traverse Tournai / in puque : de plus / bramint : beaucoup / l'cassis : le chassis / les queops : les coups / ichi : ici / l'meonte : le monde / l'cassis : le chassis / alleumer : allumer / jusse : juste, seulement / l'guernier : le grenier / des cacoules : des mensonges / jeuer : jouer / ein heomme-guernoule : un homme grenouille, un plongeur / acouter : écouter / quoisque : qu'est-ce que / l'orache : l'orage / commincher : commencer / acore hureux : encore heureux, heureusement / pa tierre : à terre / pasque : parce que / l'campe : la chambre / ormette : remettre / eine aiwile : une aiguille / osu : osé / l'treo : le trou / in fier : en fer / vir : voir / au mitan : à la moitié / acater : acheter / pleumer : plumer / tout à n'ein queop : tout à coup, soudainement / les séeaux : les seaux / les ceusses : ceux / l'déluche : le déluge / ein grand dépindeu d'andoule : homme grand et maigre / l'boudaine : la bedaine, le ventre / l'poitreine : la poitrine / l'naque : l'odeur / l'pinaque : grand désordre, endroit nauséabond / les batieaux : les bateaux / faire soupette : tremper / l'leuneutte : la lunette / queompter : compter / ein biec-beos : désigne un pivert, mais aussi un balourd, un niais / les lites : les litres / ainsin : ainsi / nettier : nettoyer / l'acoulin : la vase / avoir de l'détoule : avoir des ennuis, des difficultés / pidouler : patauger / l'bédoule : la boue / les penn'tières : les pommes de terre / les Diapes : les diables (rouges) / ein à l'feos : un à la fois / s'délaminter : se lamenter, se plaindre / des connissances : des connaissances / les is : les yeux / braire : pleurer / querre : chercher / l'meublier : le mobilier / à l'huche : dehors, sur la rue / alfeos : parfois / l'récauff'mint : le rechauffement / s'foute d'ti : se moquer de toi / porméner : promener / des busses : des buses / ruer : jeter / dusque : où / tertous : tous / inondape : inondable).

S.T. juin 2016.  

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