On ne prête qu'aux "riches"dit-on !
A la fin du siècle dernier, les gens qui nous gouvernent ont souhaité élever une ville au titre de "Capitale culturelle du Hainaut". La ville de Tournai avait espéré hériter de cette dénomination. Le choix des décideurs s'est porté sur Mons, chef-lieu de province. Rien de surprenant, dans les milieux politiques, le mot cumul des titres, fonctions ou mandats est d'une telle banalité que cela n'a choqué personne... et puis, la cité des cinq clochers, depuis la disparition de René Lefebvre, n'avait plus jamais eu un ministre pour la soutenir ou la défendre au niveau des différents niveaux de pouvoir.
On sait depuis longtemps que la politique wallonne ne jure que par quatre grandes villes : Liège, Namur, Charleroi et Mons, ces cités ont trop tendance à se partager la gestion de toute la région wallonne, malheureusement, en se servant largement au passage. Les autres régions sont considérées par elles de la même façon, qu'en France, Paris snobe tout ce qui est provincial. Pour certains lecteurs, les termes utilisés vont, peut-être, paraître outranciers et pourtant, même les médias nationaux, la RTBf et surtout RTL-TVI en tête, ignorent le plus souvent l'existence de Tournai et leurs reporters n'envahissent nos rues que pour un fait délictuel très grave, une catastrophe ou pour dresser le portrait de Dodo la Saumure, une "réputation" dont on se serait bien passé !
Les arguments qui plaidaient en faveur de la ville.
Son riche patrimoine immobilier, témoin de l'Histoire :
La cathédrale Notre-Dame aux cinq clochers du XIIe siècle, mêlant style roman et gothique et possédant un Trésor d'une grande richesse culturelle, ses nombreuses églises dont les plus anciennes datent des XIIe et XIIIe siècle (arguments probablement trop catho pour la mentalité qui prévalait), un beffroi de la même époque, rénové voici une vingtaine d'années, une Halle-aux-Draps du XVIIe siècle également restaurée, un Pont desTrous de la fin du XIIe et début du XIIIe siècle, une des dernières portes d'eau existant en Europe du Nord, la tour Henri VIII, toujours dans l'attente de rénovation tout comme les tours Marvis, vestiges de la dernière enceinte de Tournai mais aussi le Fort Rouge, la Tour Saint-Georges, la Tour de la Loucherie, la Tour du Cygne, les souterrains de la citadelle construite sous Louis XIV par de Mesgrigny sur des plans de Vauban, le Mont-de-Piété, le séminaire de Choiseul, l'Hôtel de Ville érigéà l'emplacement de la puissante abbaye de Saint-Martin, les maisons "art nouveau", dont la plupart sont situées dans le quartier de la gare et les maisons romanes du quartier Saint-Brice et les maisons gothiques de la rue des Jésuite.
Son passé prestigieux :
Ville près de deux fois millénaire, Tournai est parfois appelée, le "berceau de la France" car Clovis, fils de Childéric 1er, y est né et y a vécu avant de rejoindre Paris (Lutèce) pour poser les fondations de la France. La cité royale peut s'enorgueillir d'avoir accueilli les plus illustres personnages de l'Histoire : Philippe-Auguste, Saint-Louis (Louis IX), Henri VIII d'Angleterre, Charles-Quint, Louis XIV... entre autres.
Parmi les documents les plus anciens retrouvés et conservés à Tournai figure notamment la "Messe de Tournai" la plus ancienne messe polyphonique qui soit parvenue jusqu'à nous, elle est reprise sur un document anonyme datant du début du XIVe siècle.
Ses enfants célèbres :
Du peintre Rogier de le Pasture (Van der Weyden) né à Tournai en 1399 à l'actuel
humoriste Bruno Coppens, Tournai a vu naître, entre autres, le peintre primitif flamand Jacques Daret en 1404, le célèbre tapissier Pasquier Grenier en 1447, l'homme politique Barthélémy Dumortier, fondateur du Courrier de l'Escaut (le plus vieux journal de Belgique), impliqué dans la Révolution de 1830 et parlementaire né en 1797, le peintre romantique Louis Gallait né en 1810, le sculpteur Guillaume Charlier né en 1854, le poète symbolique et romancier GeorgesRodenbach, né en 1855, le baryton à l'Opéra de Paris, Jean Noté, né en 1858, le sculpteur Georges Grard, né en 1901, le sculpteur, peintre, graveur et céramiste Pierre Caille, né en 1911, le romancier, auteur de Bob Morane, Henri Verne, né à Ath en 1918 mais qui a vécu à Tournai pendant sa jeunesse et de nombreux auteurs qui ont donné à son patois ses lettres de noblesse (Delmée, Walter Ravez, Adolphe Prayez, Lucien Jardez, Albert Coens, EloiBaudimont).
Ses musées :
la ville compte huit musées réputés :
le musée des Beaux-Arts, dont le bâtiment est l'œuvre de l'architecte Victor Horta. Il abrite des œuvres provenant en grande partie du legs d'Henri Van Cutsem et du fonds Gallait signées Edouard Manet, Claude Monet, Louis Gallait, Seurat, James Ensor, Pierre-Paul Rubens, Rogier de le Pasture, Pieter Brueghel le jeune, Jacob Jordaens, Léonce Legendre, Jules Bastien-Lepage, Georges Grard, Charlier, Piat Sauvage, Eliane de Meuse, Vincent Van Gogh (dessins), Delacroix, Van der Stappen, Roméo Dumoulin ou encore Jan Gossaert.
Le Musée militaire où on retrouve des collections d'armes et d'uniformes datant de la bataille de Fontenoy, du premier et du second conflit mondial et une pièce entière dédiée à la résistance.
Le Musée de Folklore dans lequel des personnages, mis en scène, présentent objets d'antan et traditions tournaisiennes, mais aussi le plan en relief de la ville de Tournai.
Le Musée d'Histoire Naturelle et son vivarium, un des plus anciens de Belgique.
Le Musée de la Tapisserie et des Arts du Tissu, Tournai étant jadis un lieu réputé pour sa tapisserie de haute lisse.
Le Musée des Arts de la table et décoratifs, où on retrouve notamment des porcelaines issues des ateliers qui firent la réputation de Tournai au sein des cours européennes.
Le Musée d'Histoire et d'Archéologie qui présente une très importante collection d'objets trouvés lors des nombreuses fouilles effectuées, à différentes époques, dans la ville. On peut notamment y voir un sarcophage bien conservé de l'époque gallo-romaine.
Le Musée de la Marionnette de la Communauté Wallonie-Bruxelles et son Créa-Théâtre présentent des marionnettes du monde entier.
Ses industries qui sont ou furent connues bien au-delà de nos frontières :
L'imprimerie Casterman, éditrice des aventures de Tintin, de Martine, de Quick et Flupke qui remporta aussi, au travers de ses auteurs, de nombreux prix au festival BD d'Angoulême.
L'imprimerie Desclée-de Brauwer, éditrice de livres religieux et profanes.
Les entreprises Dufour spécialisées dans le levage, le transport, la manutention, la récolte des déchets... intervenant lors de travaux délicats ou de précisions en Belgique et à l'étranger.
Les actuelles éditions Wapica soucieuses de présenter le patrimoine tournaisien dans le plus bel écrin.
La biscuiterie Desobry, les nombreuses brasseries (la "Tournay", la "Saint-Martin"...), la fabrique de "Ballons deTournai", la maison Marquette spécialiste de la gaufre "Succès du Jour", la chaudronnerie lourde de chez Meura ou Carton ayant livré du matériel sur les cinq continents, les filatures Philippart et Wattiez, la fabrique de courroies Colmant et Cuvelier... des nom connus, un peu partout, comme l'étaient jadis la fabrique de Porcelaine ou la Manufacture Royale deTapis.
Tournai est une ville fréquentée chaque jour par des milliers d'élèves et d'étudiants parmi lesquels un grand nombre de jeunes Français, de la maternelle aux hautes écoles en passant par l'enseignement spécialisé.
Le "Culturel" et "l'Evènementiel".
Dans les années cinquante et soixante, il n'était pas rare d'entendre les Tournaisiens se plaindre du peu de distractions offertes par la cité des cinq clochers : "Tournai, ville d'art, ville en retard" entendait-on souvent. Quelques garçons et filles noyant leur oisiveté sur les banquettes du café "Le Moderne"à la rue de l'Yser tinrent même des propos qui traduisaient l'attente de la jeunesse, lors d'un rare reportage de la RTB sur la ville. Il est vrai que la majorité au pouvoir d'alors consacrait son énergie uniquement à la reconstruction d'une ville dont le centre avait été détruit par les bombardements de 1940 et 1944.
Tout a bien changé. Tout au long d'une année, les évènements culturels ou festifs se succèdent :
En janvier, on fête le "Lundi Perdu" en famille ou au restaurant, on se rend au salon "Bâtirama". Le cinéma Imagix est le lieu de rencontre des amateurs du "RamDam Festival", le festival du film qui dérange, les amoureux du patois se retrouvent en la Halle-aux-Draps pour les "Petits Cabarets" de la Royale Compagnie du Cabaret Wallon Tournaisien.
En Février, les meilleurs musiciens mondiaux envahissent la Maison de la Culture pour le "TournaiJazz Festival", Tournai-Expo abrite le salon "Déco et Jardins", le week-end du Laetare, c'est le "Carnaval de Tournai", avec son grand rassemblement en ville précédé par la Nuit des Intrigues.
En mars, le "Bistrot Tournaisien" convie ses inconditionnels à son spectacle patoisant et, tous les deux ans, Tournai devient la capitale mondiale des arts circassiens pour amateurs avec "LaPiste aux Espoirs".
En avril, ce sont "LesFilles, Celles picardes" qui donnent rendez-vous aux Tournaisiens et le "Festival européen des Quatuors à cordes" régale les mélomanes en invitant des musiciens venus des quatre coins de l'Europe.
En mai, le parking de l'Esplanade de l'Europe est envahi par la "Foire aux manèges" tandis que le quartier Saint-Pierre résonne aux accents du piano à bretelle pour la soirée "L'Accordéon, Moi j'aime".
En juillet, jeux pour enfants, stars de la chanson et orchestres animent la journée de la Fête nationale. En août, le hall de Tournai-Expo accueille les "Salon des Antiquités et belle Brocante".
En septembre, "la Kermesse" s'installe sur l'esplanade du Conseil de l'Europe tandis que le "Cortège desgéants" sillonne les rues de Tournai tout comme la grande "Procession historique" le fait depuis plus de 900 ans. La "Braderie" amène dans les rues bonimenteurs et amateurs de bonnes affaires. A la Halle-aux-Draps se déroule le "Tournoi de Jeu de fer", un tradition bien régionale, tandis que sous le chapiteau de la plaine des Manœuvres, un autre jeu tournaisien typique "le Jeu de Boule carréaulé" attire de nombreux spectateurs
En octobre, c'est le festival "Découvertes, Images et Marionnettes", c'est aussi le "Grand Cabaret et laRevue" de la Royale Compagnie du Cabaret Wallon Tournaisien et c'est encore "la Halle gourmande", le salon de la gastronomie des Amis de Tournai qui se tient en la Halle-aux-Draps.
En novembre, la Maison de la Culture convie ses spectateurs au "Tour de Chauffe Festival" ouvert aux groupes musicaux de l'Eurométropole et, quelques jours plus tard, s'ouvre le "Next Festival", le rendez-vous des créations théâtrales en collaboration avec les villes de Valenciennes, Lille et Kortrijk. A la Halle-aux-Draps se déroulent les salons "Tournai, la Page", le rendez-vous des maisons d'édition et des auteurs et ensuite "Tournai-Toys", le salon du jouet.
Décembre nous ramène les "Marchés de Noël", les illuminations des rues, le traditionnel "Gospel for Life" en l'église Saint-Jacques et le grand "Concert Viennois" de la Confrérie des Cinq clochers à la Maison de la Culture.
Durant la saison d'hiver, la "Chapelle Musicale de Tournai" comble les mélomanes grâce à une série de concerts qui accueillent les plus grands noms de la musique classique belge et étrangère.
Ajoutons à cela la programmation éclectique de la "Maison de la Culture" amenant les plus grands comédiens, les artistes de la chanson en tournée et les humoristes, les rendez-vous de la salle "La Fenêtre", de "la Petite Fabriek", de la "Guelière" ou du "Watermoulin". Rappelons les cycles de conférences de "l'Université du Temps disponible", d'Exploration du Monde, de "Connaissance et Vie d'Aujourd'hui" ou des "Conférences-Santé".
la ville de Tournai organise également la "Triennale des Arts du tissu".
Avant que les intégristes de Gaïa ne viennent s'immiscer dans le monde du cirque et détruire le rêve de milliers d'enfants, Tournai fut visité par les plus grands cirques de Médranoà l'Américan Circus en passant par Althoff, le Grand Cirque de France, le cirque de Moscou, Jean Richard, Toni Boltini, Pinder, Bouglione... actuellement seul Alexandre Bouglione reste fidèle à la cité des cinq clochers car il ne présente plus d'animaux.
Tout au long d'une année, il y a des centaines d'événements au programme, peut-on, dès lors, encore dire que Tournai est une ville morte ? On ne prête qu'aux riches, disais-je en titre, Tournai a sans doute était considérée par certains qui n'y sont jamais venus comme une pauvre ville de province aux confins de la Flandre et de la France, aux habitants tristes et au paysage désolé. Il est temps de redorer son blason et d'attirer ce qui ignorent encore que cette ville vit, que son cœur palpite et qu'elle a tant à offrir à ceux qui veulent la découvrir.
Voilà un article au ton un peu "chauvin" mais quand on aime sa ville natale, aucun argument n'est outrancier pour la défendre.
(S.T. janvier 2016).